Menu
A la une / Témoignage

Mon bébé a un cancer

Par où commencer, lorsque l'on apprend que son bébé de 5 mois a un cancer ? Alors qu'il nous regarde en gazouillant ? C'est bien la question que je me pose en écrivant ces lignes. Par où commencer, lorsque ce qui arrive n'est pas possible, car non, un bébé de 5 mois ne peut pas avoir un cancer ?

J'ai eu une grossesse gémellaire compliquée, que je t'ai racontée ici. Les premiers jours, puis semaines des minis ont été éprouvants, avec six semaines d'hospitalisation en réanimation, puis en néonat. Mais nous nous en sommes sortis ! Moi avec une jolie dépression post-partum, les minis avec quelques complications. Malgré tout, nous étions tous réunis.

De retour à la maison, nous avons dû gérer un nouveau souci, avec l'opération de la hernie inguinale étranglée de Mini 2 (que je peux t'expliquer, pour te rassurer si tu y es confrontée). Puis nous avons commencé le suivi pour leur plagiocéphalie (la « tête plate », autrement dit), car jumeaux, grands prématurés et torticolis congénital sont rarement compatibles avec une jolie tête toute ronde.

Mais je tenais bon, Mr Nounours aussi. Les minis avaient 4 mois, la roue commençait à tourner. Malheureusement, elle n'a pas tourné du bon côté…

Bébé choqué

Crédits photo (creative commons) : Lauren Hammond

Mini 2 a toujours eu un gros bidon. Depuis quelque temps, je le trouvais dur. Comme nous avions rendez-vous avec notre nouvelle pédiatre quelques jours plus tard, j'ai ajouté cette préoccupation à ma liste de questions.

Arrive la consultation. La pédiatre trouve aussi son ventre dur, avant même que je lui en parle. Elle prescrit une échographie de contrôle, mais précise qu'il n'y a pas d'urgence. Nous sommes samedi midi.

Lundi à la première heure, je prends rendez-vous à l'hôpital de ma ville pour le jeudi, sans trop m'inquiéter. Après tout, mon bébé a presque 5 mois, beaucoup de gaz… Ce doit être des coliques. Au pire, un début d'occlusion (mais non, ce n'est pas possible, en fait : il a des selles normales, mange correctement et n'a pas de fièvre).

Arrive le jour de l'écho, les minis ont 5 mois tout pile aujourd'hui. Mais comme ils sont prématurés de deux mois, les médecins parlent en âge corrigé : ils n'ont donc que 3 mois d'âge corrigé.

L'examen commence. Et là, on se fait tout simplement engueuler par le médecin, qui nous dit que notre bébé vient de manger… Euh non, là, il est à jeun depuis plus de quatre heures ! Inquiétude du médecin, et changement de ton. Elle nous dit qu'il y a une masse dans l'abdomen, et nous dirige aux urgences.

Mini 2 est vu très vite par son pédiatre hospitalier habituel. On comprend que c'est grave. On nous explique que cette masse peut être bénigne ou non. Grosso modo : une chance sur deux. Après plusieurs tentatives vaines pour lui poser une perfusion, Mini 2 doit être transféré aux urgences du CHU le plus proche, à une heure de route.

A lire également  8 conseils pour réussir l'album photo de ton bébé !

Arrivés au CHU, nouvelle échographie, puis scanner. On nous annonce que Mini 2 va être hospitalisé dans le service d'oncologie pédiatrique. C'est à ce moment-là que le médecin nous annonce que notre mini, 5 mois aujourd'hui, et seulement 3 mois d'âge corrigé, est probablement atteint d'un hépatoblastome : une tumeur cancéreuse du foie, très rare (huit cas par an en France).

Il est difficile de décrire ce que l'on ressent dans un moment comme celui-là. Une profonde tristesse, une sidération, mais surtout un énorme sentiment d'injustice : pourquoi lui ? Pourquoi nous ? À quoi est-ce dû ?

Nous sommes jeudi soir. La journée a commencé avec un simple examen de routine, elle se termine dans le service d'oncologie pédiatrique du CHU à une heure de chez nous.

Dans ce service, les parents peuvent rester auprès de leur enfant toute la journée, et l'un des deux peut dormir dans sa chambre la nuit. Pour ce soir, c'est Mr Nounours qui reste.

Les infirmières nous expliquent qu'elles comptent beaucoup sur cette présence parentale pour les repas, le bain, les changes, etc. Nous nous en apercevons le soir même : compliqué de faire le change avec la perf et la poche à urine. En plus, l'infirmière nous dit qu'elle n'a jamais changé un bébé ! Eh oui, les cancers du nourrisson sont très rares… Alors un tout-petit de 57 cm, pas facile pour le personnel non plus.

Vendredi matin, Mr Nounours vient nous chercher, Mini 1 et moi, pour passer la journée ensemble. Les infirmières insistent pour que « la cellule familiale soit conservée ». Le mini enchaîne les examens avec calme. Il fait des sourires à toutes les infirmières, tandis que son frère est inconsolable et pousse des cris à chaque entrée d'une blouse blanche dans la chambre…

Le soir venu, Mini 1 est épuisé dans sa poussette, et Mini 2 prend son biberon dans mes bras, quand l'oncologue entre pour l'annonce « officielle » et prononce pour la première fois le mot « cancer ». Je pense me souvenir de ce moment longtemps encore. Le médecin a mon âge et porte des converses. On pourrait être collègues, quelque chose d'irrationnel qui me rassure.

Lorsqu'il commence à parler, le mini pousse son biberon de la main et le regarde. De son côté, le médecin ne nous regardera pas une seule fois, il restera pendant près d'une heure le regard dans le vide, ou plutôt fixé sur les barreaux métalliques du petit lit, à expliquer posément le diagnostic et le plan de traitement. Lorsqu'il repousse la porte de la chambre derrière lui et ses deux internes, je l'entends soupirer longuement.

Bizarrement, les premières minutes de cet entretien m'ont énervée : j'ai pensé qu'il aurait pu au moins nous regarder. Puis j'ai compris, surtout avec ce soupir, que l'oncologue ne considérait pas le mini comme un numéro parmi d'autres, mais qu'il était réellement peiné d'annoncer le cancer d'un bébé de 5 mois et de parler chances de survie à une maman qui tenait un biberon dans sa main. Choisir cette discipline, en pédiatrie de surcroît, doit véritablement être une vocation.

A lire également  De la question de laisser pleurer bébé

Samedi et dimanche, le mini a un peu de répit, toujours sous perfusion et avec une poche à urine qui nous empêche de le prendre comme on veut. Il fait connaissance avec les infirmières du service : même celles qui ne s'occupent pas de lui passent dans la chambre, pour avoir des sourires !

Sur le moment, ça me paraît étrange, mais il est calme, de bonne humeur, souriant, comme jamais nous ne l'avons vu auparavant, sauf peut-être juste après l'opération de sa hernie inguinale. À la maison, il pleurait, se plaignait. Mais depuis l'admission en oncologie, et plus encore après le passage du médecin, le mini est devenu un autre bébé, comme s'il comprenait que maintenant, c'était bon, on avait compris et on le soignait.

Lundi et mardi sont chargés. Après le scanner, l'IRM pour définir l'étendue de la tumeur et vérifier l'absence de métastases. Puis anesthésie générale pour la biopsie de la tumeur et la pose du port à cathéter, ou PAC (le PAC est un boîtier qui est implanté sous la peau, auquel est relié un cathéter qui va directement au cœur : il est utilisé pour administrer la chimiothérapie).

Je récupère mon petit bonhomme, qui a maintenant des cicatrices partout : à l'aine pour la hernie, sur le ventre pour la biopsie, sur la poitrine et dans le cou pour le PAC… Pauvre Mini.

Après cette semaine très éprouvante, nous avons le droit de rentrer à la maison mercredi soir. Nous reviendrons à l'hôpital dès dimanche, pour la première chimiothérapie. Je ne sais pas encore comment vont se dérouler les mois qui viennent.

Nous avons deux mois de chimiothérapie, avec entre deux et quatre jours d'hospitalisation chaque semaine, avant de procéder à l'ablation de la tumeur à Paris. Puis à nouveau un mois de chimiothérapie. Mais ce plan pourra être ajusté selon la réponse du mini aux traitements, s'il contracte des infections, etc.

Je vais donc me concentrer sur ces quatre jours à la maison avant le début de notre combat, car le mini montre une joie de vivre que nous ne lui connaissions pas. Il n'y a pas de doute : lui sait que nous avons enfin trouvé et qu'on va le soigner. Pour lui, nous n'avons pas le droit de douter.

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !