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A la une / Témoignage

Lettres à nos enfants

Suite aux événements dramatiques qui ont eu lieu à Paris vendredi dernier, nous avons reçu les textes de trois mamans, à destination de leurs enfants. Trois beaux textes qui disent l’effroi, la colère, mais aussi l’espoir en l’avenir que ces enfants vont construire. Nous avons décidé de les réunir dans cet article…

Les mots de Melimelanie pour son bébé à naître

Mon bébé, tu n’es pas encore là et j’éprouve déjà le besoin de m’excuser.

  • Mon bébé, je suis désolée, j’aurais aimé te faire naître dans un monde en paix.
  • Mon bébé, je suis désolée de tous ces sentiments de tristesse, de colère et de peur que tu as dû ressentir quand j’ai allumé la télé.
  • Mon bébé, je suis désolée de mon cœur qui se serrait de plus en plus quand je te sentais bouger.
  • Mon bébé, je suis désolée de devoir un jour t’expliquer la signification des mots barbarie, kamikaze, meurtre, guerre, inhumanité, terrorisme… sans employer le passé.
  • Mon bébé, je suis désolée que la guerre ne soit pas seulement présente dans les livres d’histoire.
  • Mon bébé, je suis désolée que les images à la télé ne soient pas des images d’archives.
  • Mon bébé, je suis désolée que l’on ne puisse même pas promettre à nos réfugiés qu’ici, ils seront en sécurité.
  • Mon bébé, je suis désolée que pour certains fous, une vie humaine ne vaille rien.
  • Mon bébé, je suis désolée que la religion puisse être détournée et utilisée comme une justification pour tuer.
  • Mon bébé, je suis désolée que nos bras de parents ne fassent pas le poids face aux armes de ces dégénérés.
  • Mon bébé, je suis désolée que la nature humaine soit à ce point à chier !
  • Mon bébé, je suis désolée, car aujourd’hui, j’aimerais te garder en sécurité dans mon ventre pendant encore des années.

Je suis désolée de toutes ces horreurs, de toute cette barbarie, de tout ce gâchis dans le monde où tu vas arriver, alors que tu n’as rien demandé… Malgré tout, mon bébé, je peux te faire des promesses.

  • Mon bébé, je te promets que je ferai tout mon possible pour que tu sois toujours en sécurité.
  • Mon bébé, je te promets que l’on naît tous innocents, et que l’autre n’est pas à redouter.
  • Mon bébé, je te promets qu’aucune religion n’autorise à tuer.
  • Mon bébé, je te promets que cette folie va un jour cesser.
  • Mon bébé, je te promets que le monde va se relever.
  • Mon bébé, je te promets que la vie ne va pas s’arrêter.
  • Mon bébé, je te promets que je vais t’élever dans mes valeurs d’ouverture et de sollicitude.
  • Mon bébé, je te promets que je t’apprendrai à être un homme de Paix.
  • Mon bébé, je te promets que je t’aime et t’aimerai à jamais.

Toutes ces promesses peuvent paraître illusoires, et je n’ai effectivement aucune certitude, je ne sais pas de quoi demain sera fait. Mais mon bébé, crois-moi, il faut faire confiance à l’être humain.

Un jour, je te parlerai de cette horrible nuit du 13 novembre 2015 où, en me levant pour aller faire pipi, j’ai vu apparaître l’horreur. Mais le jour où je te raconterai cela, je te parlerai aussi de l’entraide, de la générosité, du soutien, de l’amour, du courage de tous ces gens le soir même et les jours d’après. Je te parlerai de ces rassemblements, de cette cohésion qui s’est créée de façon spontanée. Je te parlerai de mon espoir d’un monde où l’on vivra en paix, indépendamment de l’endroit où l’on sera né.

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Tout ça, mon bébé, ça prouve que ça vaut le coup de bientôt pointer le bout de ton nez.

(Tous les articles de Melimelanie)

Enfant espoir

Crédits photo (creative commons) : Lauren Hammond

Les mots de Louna pour sa petite fille

Mon enfant, mon cœur, mon trésor, mon ange. Comment trouver les mots pour t’expliquer l’inexpliquable ?

En ai-je vraiment envie, d’ailleurs ? Ne serait-ce pas plus facile de faire l’autruche, de me cacher la tête dans le sable et de chercher à oublier au plus vite les horreurs de ces derniers jours ?

Tu es suffisamment jeune pour ne pas encore te rendre compte de ce qu’il se passe, alors pourquoi ne pas simplement profiter de ta joie de vivre et de ton innocence pour me réconforter ?

Parce que mon enfant, mon cœur, mon trésor, mon ange, tu es la citoyenne de demain. Tu es l’avenir, tu es l’espoir d’un monde où ces horreurs ne seront plus.

Et mon rôle de parent, c’est de te donner les clés pour grandir dans ce monde, ce monde beaucoup plus laid que je ne le voudrais, mais ce monde qui est le nôtre, le tien.

Mon devoir aujourd’hui, c’est de te dire que, même si les choses paraissent difficiles, injustes et même parfois sans issue, nous allons, tous ensemble, faire en sorte que tout ceci ne se reproduise plus.

Parce que le plus important, c’est de te transmettre ma confiance en l’être humain, ce carburant qui peut déplacer des montagnes.

Mon enfant, mon cœur, mon trésor, mon ange, ris encore, et souris, profite de ton bonheur innocent. Tes parents te protégeront de toutes leurs forces, de tout leur cœur et de tout leur amour, pour que l’adulte qui grandit doucement en toi soit capable d’apporter son petit grain de sable.

Celui qui, additionné à tous les autres, rendra ce monde meilleur.

(Tous les articles de Louna)

Les mots d’Étoile pour son petit garçon

Mon petit cœur, tu viens juste d’avoir 2 mois. Tu es tout petit, tout souriant, un bébé heureux et gentil. Avec ton papa, nous espérons faire de toi une personne joyeuse et généreuse, altruiste, ouverte d’esprit et courageuse. Bref, juste quelqu’un de bien…

Ce vendredi 13 novembre, nous avons appris tout ce qui s’est passé. Sans doute avant beaucoup de monde : un ami très cher a tout vu. Ensuite, nous avons suivi les choses par les médias. Nous avons passé deux jours devant la télévision, mais aussi au téléphone, pour avoir des nouvelles des uns et des autres.

Le Bataclan, c’est une salle où nous avons des souvenirs, avec ton papa. Il y a quelques années, nous avons fêté mon anniversaire devant un concert de New Order. Ton papa adore ce groupe, et moi aussi, du coup. Le Petit Cambodge est aussi un lieu qu’on adore. C’est ton papa qui a fait découvrir à la provinciale que je suis tous ces lieux magnifiques : riches de diversité, gais, agréables, libres… Qui, au fond, représentent beaucoup de choses de notre nation. Ton papa et moi, nous aurions pu être dans ces lieux, mais par chance, nous n’y étions pas.

J’ai été abasourdie, dans un état second, lorsque nous avons appris et suivi ces événements. Toi, tu dormais tranquillement, comme un petit ange, un sourire aux lèvres… Je faisais régulièrement des aller-retour du salon à ta chambre pour aller te regarder. Ton papa aussi.

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Pour la première fois de notre vie, ton papa et moi, nous avons vraiment eu peur pour notre sécurité, et surtout pour la tienne. Nous avons fermé tous les volets, et la porte à double-tour. Nous ne pensions qu’à toi. L’émotion était forte, et il nous a été difficile de dormir. Quant on vit dans un pays en paix, ce type d’événement paraît irréaliste, car il est inattendu. Ce qu’ont fait ces gens, c’est indescriptible. Juste parce que nous sommes différents ? Parce que nous voulons vivre et être heureux ?

Samedi et dimanche, tu as dû nous trouver étranges. Tant de choses difficiles… Mais tu continuais à nous sourire. Durant cette épreuve, je ne peux m’empêcher de penser à toi. J’imagine tous ces parents qui ne sont plus là, qui ont laissé leurs petits. J’élabore des stratégies de transport pour la reprise du travail, je réfléchis à comment éviter certains lieux, nous envisageons de quitter la capitale… Mais, soyons réalistes, ce n’est pas une solution.

Nous ne pouvons pas faire grand-chose face au destin, alors je prie pour nous protéger. Je prie ce même Dieu qui est utilisé par des fous pour légitimer des actions qui ne peuvent pas l’être. Mon tout-petit, croire en quelque chose, en notre Dieu, c’est croire en ce qui est bon, c’est croire en l’homme.

Ces fous ne sont plus des hommes. Ils ne sont rien. Ce sont des âmes perdues, incapables de surmonter leur souffrance, qui ne savent plus penser par elles-mêmes. Bref, ce sont des faibles. Des actes aussi sournois ne peuvent être menés que par des faibles. Qui ne représentent pas l’humanité.

Nous sommes confus, malheureux… et les choses n’iront pas mieux en quelques jours. Il faut soigner nos blessures, pour pouvoir mieux nous relever et être plus forts. C’est ce que nous voulons te montrer. Vivre est la plus belle des victoires face à ce genre de choses.

Il faut être réaliste : à l’avenir, il se passera probablement encore des choses tristes, mais sans aucun doute des choses très belles aussi. Le monde tourne ainsi : il impose le pire, mais offre aussi le meilleur. C’est pour les belles choses, les moments de bonheur, qu’il faut se relever, pour pouvoir les apprécier lorsqu’on les vit. Être heureux, démontrer que nous sommes forts.

Tant de gens se sont battus dans l’histoire pour faire de notre monde ce qu’il est devenu. Il est loin d’être parfait, mais c’est notre devoir aujourd’hui de faire face à cette réalité pour rendre le bonheur, la joie, l’amour… plus forts que le reste. Et surtout de se battre pour préserver certaines valeurs telles que la liberté, l’égalité, la solidarité, le droit à la différence et beaucoup d’autres encore.

Mon tout-petit, je t’aime. Plus que tout. Tu es notre bonheur à ton père et à moi, et nous ferons tout pour te donner de magnifiques valeurs, qui te permettront de tracer un joli chemin. Tu deviendras une personne bien, heureuse, tolérante et juste, et aussi une personne forte.

Nous aimons vivre, et nous te transmettrons ce bonheur ! Si tu restes libre dans ta tête, tu sauras faire face à tous les obstacles et tu auras une vie magnifique, malgré les épreuves. Parce que tu seras un battant, comme nous, comme beaucoup de gens aujourd’hui dans notre magnifique pays.

(Tous les articles d’Étoile)