Menu
A la une / Témoignage

Notre décision d’IMG

La dernière fois, je t'ai raconté comment nous avions appris que j'étais enceinte de jumeaux et que les bébés souffraient de graves malformations. Voici la suite de notre histoire.

Comme pour ma première , avec mon mari, nous sommes d'accord sur le fait de ne pas la continuer si le bébé est en mauvaise santé, le système français étant tellement pourri. (En revanche, je ne te juge pas et je te trouve très courageuse si tu mènes une grossesse à terme sachant que ton enfant souffre d'une maladie ou d'un handicap.) De plus, nous avons acheté notre maison juste avant la naissance de notre fille, nous venons de faire des travaux, de changer d'escalier… Bref, rien n'est fait ni prévu pour deux bébés handicapés.

Nous posons très rapidement la question : « Quelle est la procédure pour mettre un terme à cette grossesse désirée malgré tout ? »

Le médecin nous explique que, quoi qu'il arrive, notre dossier sera présenté à la commission, mais que sa décision ne fait pas de doute. J'ai donc deux possibilités pour mettre fin à cette grossesse : un « normal », par voie basse, avec une péridurale, ou une aspiration, au bloc (mais il faut faire vite, mon terme étant limite pour ce type d'intervention).

Nous terminons la consultation à 19h. Le médecin me propose les coordonnées d'une psy. Je souris, je pense que je n'en aurai pas besoin. Je suis « forte », je vais gérer. Elle nous laisse le weekend pour réfléchir, et me donne une copie du compte-rendu et des photos de l'écho.

Nous rentrons chez mes parents pour retrouver notre bébé d'amour. J'ai hâte. Nous avons hâte de la serrer dans nos bras. À ce moment-là, je ne souhaite qu'une chose : que tout ça se termine au plus vite. Je ne veux plus de ces bébés dans mon ventre.

Interruption médicale de grossesse

Crédits photo (creative commons) : Gabriele Diwald

Le weekend passe. Nous en parlons peu. Je ne veux pas que ça se sache, je veux garder ça pour nous. Cette histoire nous appartient.

Lundi. Mon mari reprend le travail. Je me rends à l'hôpital pour le rendez-vous avec l'anesthésiste, absolument charmant. Je lui explique que j'allaite toujours. Il me propose une rachi. J'accepte.

Mardi. J'ai rendez-vous avec l'adorable sage-femme qui s'est occupée de nous vendredi. Et là, tout bascule dans ma tête. Je me suis rendue seule au rendez-vous. Elle me parle, mais mon cerveau n'enregistre plus vraiment. Je signe des papiers.

A lire également  Baisse de libido : comment retrouver une vie sexuelle épanouissante quand on est parents ?

Je comprends à ce moment-là l'ampleur de notre décision, de ce qui va se passer. La perte de deux petits êtres que j'aime d'amour. Le deuil. Je m'en veux terriblement d'avoir réagi de la sorte les jours précédents. Je les aime, ces bébés. Ce sont mes bébés, nos bébés. Nous avions déjà pris des photos de mon ventre qui s'arrondissait, avec la grande qui l'embrassait, pour faire des « souvenirs ». Je caressais déjà mon ventre, sentant quelques sursauts, ne sachant pas vraiment si c'étaient bel et bien eux. Ils faisaient partie de notre vie malgré tout.

Les mots se bousculent dans ma tête : autopsie, crémation, deuil périnatal, analyse chromosomique… La période de deuil débute. Je serai opérée le vendredi. À 13 semaines et 5 jours exactement.

Je sors du rendez-vous en larmes. La sage-femme me donne les coordonnées de la psy.

Vendredi. Il est 7h. J'arrive à l'hôpital, à jeun, bétadinée, les yeux boursouflés, tremblante… Je suis perdue.

On m'installe dans ma chambre, le brancardier arrive pour me descendre au bloc, mon mari part. Me voilà seule, avec mes bébés, pour les derniers moments de leur courte vie in utero. Je pleure, je m'effondre. L'équipe au bloc est formidable, très douce, je les prendrais dans mes bras pour leur faire un câlin si je pouvais. Seul l'anesthésiste est désagréable. Mais je ne le vois pas, puisqu'il me pose la rachi et part aussitôt.

Je n'entends quasi rien de l'intervention, mes écouteurs vissés dans mes oreilles, mais je sens malgré tout qu'on farfouille dans mon intérieur. Et voilà, une dernière aspiration, on me sort du bloc, je pleure en salle de réveil. Je remonte rapidement.

Je passe la journée dans la chambre. Ma coloc' du jour attend l'heure de son opération avec impatience. Elle n'arrive pas à avoir d'enfant. Elle espère que cette opération lui portera chance.

Je finis par repartir, après avoir réussi à me lever, marcher et aller au petit coin. Nous sommes vendredi 27 novembre : dans deux jours, j'aurai 31 ans…

Samedi midi, nous sommes onze à déjeuner à la maison. J'ai fait simple : une tartiflette party. Nos invités ne sont pas tous au courant de ce qui s'est passé la veille, et c'est tout aussi bien. Ça me permet de ne pas penser à ce qui m'est arrivé.

A lire également  5 conseils que j’aurais aimé que l’on me donne avant la naissance de ma fille

Le lendemain est bien plus difficile. Je reçois de nombreux messages d'amour, de joie, toussa toussa… Quasi personne n'est au courant. Je pleure presque toute la journée. Ma fille ne comprend pas ma tristesse.

Je finis par prendre rendez-vous avec la psy. Je pleure beaucoup beaucoup. Et je reprends le boulot une semaine plus tard, mais uniquement le matin, histoire de me remettre « dans le bain » et de reprendre un rythme avec ma fille, qui ne comprenait pas pourquoi je ne la déposais plus chez la nourrice le matin.

21 décembre. 2 ans de ma fille. Journée qui devait être remplie de joie. Mais là encore, le destin nous joue des tours. À l'ouverture du courrier, je découvre une lettre de ma gynéco. Les résultats de l'analyse chromosomique : pas d'anomalie détectée, nous aurions dû accueillir deux petits garçons. Sur les de ma psy, je ne retiens pas mes larmes, et j'explique à ma fille pourquoi je suis triste, avec des mots simples.

Heureusement, nous voyons la psy le lendemain matin. J'ai besoin de lui faire part de ce mélange étrange de sentiments : colère, incompréhension, soulagement…

Certes, les résultats de l'autopsie pourront éventuellement nous donner une raison pour cette anomalie, mais il se peut aussi que ce soit simplement un accident. Et si tu as vécu une situation similaire, tu dois certainement me comprendre quand je dis qu'il me faut une raison « valable » pour passer à autre chose. Un accident, ce n'est pas ce que j'ai envie d'entendre. Mais l'autre côté de moi-même me dit que si ce n'est pas une anomalie chromosomique, c'est une chance. Parce qu'il est très peu probable que ça arrive à nouveau.

Le temps passe, mais la blessure ne cicatrise pas. Il me faudra encore du temps. Il faut me laisser du temps. Chaque personne réagit différemment aux situations cruelles de la vie. Les fêtes ont été difficiles, mais le passage à la nouvelle année est un cap. 2015 ne sera jamais effacée de nos vies, jamais oubliée. Nous aura-t-elle rendus plus forts ? Pour l'instant, je n'ai pas la réponse à cette question, mais j'espère pouvoir retrouver la sérénité…

L'annonce d'une prochaine grossesse sera certainement source de stress et d'angoisse. Pour le moment, je ne suis pas prête. Mais peut-être aurai-je l'occasion de revenir t'en parler ?

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !