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Mon IVG, entre culpabilité, nécessité et jugements

Si je souhaite partager avec toi cette expérience, c'est parce qu'à ce jour, je ne l'ai pas complètement digéré, mais mon corps vient de finir de s'en remettre.

Je vais avoir 21 ans d'ici quelques jours, mon chéri en a 22. Vivant ensemble depuis 3 jolies années, nous nous sommes pacsés un superbe jeudi du début du mois de septembre. Quelques mois auparavant, je me suis fais poser un stérilet « short » au cuivre (car je suis nullipare), que je dois faire retirer en urgence une semaine avant le PACS, pour cause de douleurs horribles.

Depuis toute jeune, j'ai toujours su que je serais une jeune maman, et après concertation c'est aussi le cas de mon chéri. Ayant déjà testé TOUTES les contraceptions (fiables à 99%), et aucune ne seyant à mon corps capricieux (allergique au latex, mauvais retour veineux, hormones incompatibles à certaines pilules, …) nous décidons alors, jeunes, amoureux et en bonne posture financière, de laisser faire la nature. Si mon corps décide d'accueillir un petit être, tant mieux. S'il met plus de temps, ça nous laissera l'occasion de trouver un appartement plus grand. La gynéco me prescrit les test sanguins pour la rubéole et la toxoplasmose, et nous dit que nous avons le temps : cela met généralement quelques mois à se mettre en place.

Notre amour étant très fort, et nos hormones au climax, le petit spermatozoïde n'a pas hésité une seconde avant de rendre visite à mon ovule.

Septembre ayant bien commencé, je démissionne avec bonheur d'un boulot qui me prend la tête, je suis sur un nuage et je ne sais pas encore ce qui se passe dans mon bas-ventre. Ou plutôt je sens que quelque chose a changé, mais je n'y fais guère attention pour une funèbre raison : la grand-mère de chéri est décédée, nous entamons un long voyage dans le sud-est. En rentrant 3 jours plus tard, je me penche sur mon corps et je remarque TOUS les changements. Comme à mon habitude, je suis très à l'écoute de mon corps, et je ressens facilement le moindre changement. Petits tiraillements, seins qui gonflent (2 tailles de soutien gorge en plus ! Et sur une petite poitrine, c'est flagrant), mamelons plus bruns, dégout face à certains aliments, et envie subites. Mais aussi des symptômes différents, comme si j'avais changé d'odeur corporelle. Je suis heureuse et inquiète. Je fais un test urinaire qui s'avère négatif : normal, je suis au 21ème jour de mon cycle. Je me rends une semaine plus tard au laboratoire pour un test sanguin : je suis enceinte.

Paniquée mais heureuse, et fière de mon utérus, je me sens mieux que jamais. Je crois que je ne me suis jamais senti épanouie de toute ma vie. Un drôle de sentiment aussi, comme si j'étais secrètement en harmonie avec moi-même. Comme si j'étais entière, avec cette impression de « enfin moi ». Sans réaliser réellement qu'un embryon était accroché en moi, je me sentais vraiment heureuse. Étant en recherche d'emploi, je suis libre de d'admirer au quotidien mes sensations et mon corps.

Sauf que sans emploi, il serait très difficile de subvenir aux besoins d'un bébé… C'est alors que j'apprends le décès de ma grand-mère, deux semaines après le premier décès, et nous voilà repartis sur la route. Enceinte de quelques semaines. Et comme si ce n'était pas suffisant, nous allions dans ma famille proche et je ne pouvais rien dire, ni à mes parents, ni à ma marraine, qui est pour moi un mix de grande sœur et de deuxième maman. Personne à qui demander conseil.

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Nous rentrons, et chéri est mis en arrêt maladie pour des douleurs persistantes aux lombaires. Après quelques jours, le verdict tombe : il est porteur d'une maladie génétique, la spondylarthrite ankylosante. Pour faire court, c'est une inflammation chronique des articulations. Elle se manifeste par des poussées douloureuses entrecoupées d'accalmies. Elle peut parfois évoluer vers un enraidissement des articulations touchées. (Merci Google pour dire en une phrase ce que je tente d'expliquer en 8000 mots.) En conclusion, un traitement pour 4 années minimum, à base de piqûres régulières. Un traitement qui diminue considérablement les défenses immunitaires, pour 4 longues années dans son cas.

Nous nous retrouvons alors tous les deux sans emploi, et même s'il n'est qu'en arrêt maladie, nous avons alors beaucoup de mal à nous projeter dans ces conditions. Le cœur brisé, je refuse d'abandonner mon rêve pour de simples questions matérielles. Sauf que l'amour ne couvre pas tous les frais, et que l'eau fraîche ne nourrit pas un nourrisson. J'ai l'impression d'être pieds et poings liés face à une situation infranchissable.

quand l'IVG s'est imposée en raison de la situation

Crédits photo (creative commons) : Photo Atelier

Le chéri ne me montre pas trop son trouble et argumente en faveur d'une IVG. Je ne veux pas m'y résoudre, mais nous n'avons guère le choix. J'ai alors l'impression qu'il ne veut de toute manière pas de cet enfant. Je me braque et la discussion devient difficile. Je fais néanmoins les démarches nécessaires, car le temps passe vite, et je préférais tant qu'à faire subir une intervention médicamenteuse et non chirurgicale.

C'est là que démarre le plus douloureux événement de ma vie.

Le planning familial m'a accueilli comme une adolescente inconsciente qui vient réparer une erreur de jeunesse. Et c'est sûrement ce qui fut le plus dur. On m'a envoyé des phrases très désagréables en pleine tête, comme « Vous ne voulez pas qu'on vous prescrive une pilule ? Ah bon, vous ne la supportez pas, hum… Ah, ouais, des problèmes circulatoires… Mouais, bon, on va se revoir très vite pour une autre IVG, alors, hein ? » J'ai beaucoup pleuré après ces entretiens, la psychologue ayant été très hautaine et le médecin très expéditif.

Le jour de l'intervention, l'équipe médicale fut géniale. Très à l'écoute, rassurante, et indulgente.

Et Dieu sait que ce fut dur, très douloureux au sens physique. On peut dire que j'ai morflé. Et je n'arrivais toujours pas à me dire que c'était la chose à faire. J'étais là, je subissais. Et je garde encore aujourd'hui le verbe « subir » quand je parle de cet événement. À la fin de la journée, échographie de contrôle et le petit est toujours niché malgré tout ce que j'ai perdu. On me dit que Ça va partir, qu'il faut que je reprenne le cachet qui provoque les contractions encore trois jours, ce même cachet qui m'a rendu malade toute la journée (et fait sortir des trucs pas glamour, d'endroits pas glamour de mon anatomie.) Je rentre à la maison tremblante, douloureuse, et effondrée.

Sauf qu'étant à 8 semaines et 3 jours de , on ne m'avait pas prévenu, on ne m'avait rien dit : en rentrant dans la douche, je sens quelque chose de plus lourd et plus dur que du sang tomber. Non, on ne m'avait pas prévenu qu'a ce stade de ma grossesse, la poche (mesurant environ 3cm sur 5cm) serait nettement visible à l'œil nu. Et cette image de « mon bébé » me hantera, après ce jour, plusieurs mois.

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Les suites sont encore très longues, car deux mois après l'IVG je n'ai toujours pas perdu toute la muqueuse, et ces cachets de malheur me sont encore prescrit pour plusieurs semaines.
Ce qui me causa une journée et une nuit aux urgences : à cause de ce médicament qui provoque saignements et contractions des muscles utérins, j'ai fait une grosse métrorragie. J'ai même failli être transfusée. 2 semaines d'anémie et d'arrêt de travail.

Aujourd'hui, comme je disais, mon corps est remis, même si je n'ai toujours pas de cycle (merci l'implant contraceptif !).

Ce résumé de mon expérience n'est que personnel, puisque chacun possède son propre vécu, et je ne remets en cause le professionnalisme d'aucun des professionnels de santé qui m'ont suivi. Ils gèrent de nombreuses et très différentes femmes de tout âge, surtout des jeunes filles, à qui ils essaient d'inculquer la dangerosité de cette intervention si elle devient régulière. Je déplore néanmoins le manque de « cas par cas » du planning familial, qui m'aurait bien aidé moralement. Un simple « Nous comprenons votre situation, mais ne vous en faites pas, vous êtes jeune et quand votre foyer sera prêt à accueillir un enfant, ce sera une grande aventure pour vous ! » aurait suffit.

Le point positif est qu'à présent, j'ai déniché un CDI dans une bonne boîte, et avec le chéri, nous allons pouvoir acheter notre appartement ou notre maison, avec deux chambres ! Et nous savons pertinemment que nous voulons un (des ?) enfants ensemble. Et, comme l'a dit notre médecin, on sait comment ça marche, alors ça devrait bien se passer !

Si tu te retrouves dans une situation similaire, sache que PARLER, à n'importe qui, fait beaucoup de bien. Par exemple, à ma deuxième hospitalisation, j'ai eut la chance de retrouver la même infirmière qu'à mon IVG, qui avait été adorable, avec qui j'ai pu beaucoup parler. Ma mère, avec qui le dialogue est délicat depuis toujours, s'est montré très compréhensive. Ma belle-mère, au courant dès le début (elle l'avait senti avant même que nous lui en parlions !!) a aussi été d'une grande aide. Elle ne nous a pas dit que tel ou tel choix était le meilleur, elle nous a montré les avantages et inconvénients des deux situations, sans jamais nous conseiller un choix en particulier.

A Noël, nos parents nous ont bien montré qu'ils étaient prêts (et avaient hâte) d'être grands-parents. Et moi, j'ai hâte d'être maman. Même si pour le moment, j'ai déjà trois bébés dont m'occuper : ma petite minette, ma vieille chienne, et notre gros aquarium marin (et vouii, on a même des némos !). Tout ce petit monde, ça bouge beaucoup et donne du fil à retordre (surtout sans jardin ni terrasse !), alors je n'imagine même pas avec un nourrisson la fatigue supplémentaire. Mais plus on est de fous, plus on rit, et nous avons beaucoup d'amour à donner, non ?

Toi aussi, tu as vécu une IVG difficile ? Tu es tombée enceinte dans une situation très tendue et tu as dû, comme moi, faire face à tous ces questionnements ? Tu as eu le sentiment d'être complètement infantilisée lorsque tu as commencé à te renseigner sur l'IVG ? Viens en discuter ! Et n'hésite pas à me poser des questions, j'essayerais d'y répondre.

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !