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Surmonter les difficultés de l’allaitement

Ça me fait toujours un peu tiquer lorsque j'entends qu'allaiter est compliqué.

Attention : je comprends tout à fait qu'on ne veuille pas allaiter pour des raisons personnelles. J'admets qu'on ne puisse pas allaiter, ou avec de grandes difficultés (je ne suis pas de celles qui prétendent qu'on peut toujours allaiter avec un peu de volonté). Je conçois qu'on souffre véritablement des désagréments des premières semaines, et qu'on préfère abandonner plutôt que se faire du mal.

Mais je ne crois pas que l' soit toujours une grosse prise de tête. En fait, je suis même sûre que ça peut bien se passer, et que ça vaut le coup d'essayer si ça nous fait envie.

Laisse-moi te brosser mon portrait

Je suis une femme catégorie souricette (à peine au-dessus de la catégorie crevette). Je fais 1m63 pour 49 kg, je ne suis pas très grande et pas très grasse à la base. Toute ma m'a fait penser que la , ce n'était pas mon truc : j'ai vomi du début à la fin, je n'ai pris que six kilos (55 kg en fin de grossesse, qui dit mieux ?) et je me traînais chez moi dans un état de fatigue constant.

Au concours de la meilleure laitière, reconnais-le : tu n'aurais pas parié un kopeck sur mon numéro. Moi non plus, d'ailleurs : je voulais tenter, mais j'étais persuadée que j'allais laisser tomber au bout de deux jours. Et pourtant, ça fait cinq mois et demi que j'allaite ma fille.

Tu penses que c'est grâce à ma volonté de fer ? Laisse-moi rire. Je ne suis pas exactement adepte de la maxime « quand on veut on peut », je trouve que la vie est bien assez compliquée pour la compliquer d'avantage, et je ne suis portée par aucune idéologie. Oui, l'allaitement, j'aime bien dans le principe. Dans le principe, j'aimais aussi l' physiologique, et pourtant j'ai demandé la quand la douleur n'a plus été – à mon sens – supportable. Je ne me serais jamais sacrifiée sur l'autel de l'allaitement, et pourtant je l'ai continué. Si je l'ai continué, c'est que pour moi c'était simple, c'est simple, ça a toujours été simple. CQFD.

Attends attends, c'est là que mon cher époux intervient. Apparemment, j'aurais oublié deux-trois trucs. Ce qu'il faut que tu saches, future maman, ce que tu sais déjà, maman en fonction, c'est que quand tu gagnes un bébé, tu perds des neurones. Que ça endommage ton cerveau, en particulier le siège de la mémoire. Oui, devenir mère, ça rend amnésique. C'est comme ça que tu oublies à quel point les nausées et/ou la fatigue de la grossesse sont désagréables. Comme ça que tu oublies à quel point tu douilles en accouchant. Et je ne te parle pas des suites de couches sanglantes et des nuits sans sommeil. Si on n'oubliait pas, tous les bébés seraient enfants uniques.

Et l'allaitement dans tout ça ? L'allaitement, c'est pareil. Je ne sais pas si toutes les allaitantes ont été dans mon cas, mais moi, j'ai eu du mal. Et puis j'ai purement et simplement oublié que j'avais eu du mal. C'est mon mari qui me l'a rappelé. Car ton conjoint, lui, il n'est pas shooté par les hormones, lui, il n'oublie pas. Quand, toute à ton délire de madone, tu as l'impression d'avoir toujours eu un bébé greffé à la poitrine, lui te rappelle que ça n'a pas toujours été à ce point idyllique.

allaiter son bébé

Crédits photo (creative commons) : dailycloudt

L'allaitement n'est pas un long fleuve lacté tranquille

Oui, moi aussi, j'en ai (un peu) bavé au début.

Car quand ton bébé vient de naître, il sait téter. C'est instinctif : posé sur ta poitrine, il trouve le mamelon et se met à téter. Puis la première tétée est terminée, ton bébé s'endort tranquillement contre toi, on te le prend et on te le met dans un berceau. Et là, ton bébé oublie ce qu'il savait d'instinct. Il lui faut par la suite de longues minutes pour s'accrocher au mamelon et téter. Il s'énerve, il pleure.

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Toi, tu es à côté, c'est la première fois que tu allaites, tu as du mal à l'aider. Tu te sens impuissante. Tu appelles l'auxiliaire une fois, deux fois, puis tu as honte de rappeler, alors tu restes seule face à ton bébé qui cherche sans trouver et qui pleure. Tant bien que mal, tu le repositionnes. Ça y est, il a chopé le truc. Mais voilà qu'il s'endort. Tu fais comme on t'a dit, tu lui frictionnes le corps, voire tu le mets en body, pour le stimuler. Ça marche, il tète quelques minutes de plus, avant de piquer du nez à nouveau. A la fin de la tétée, tu es épuisée.

C'est à ce moment-là qu'on t'annonce que ton bébé n'a pas assez grossi, malgré tous tes efforts. C'est normal, tu n'as pas encore eu ta montée de lait. Mais le personnel hospitalier est vite alarmé par une courbe de poids en chute libre. On te donne un tire-lait et des biberons. Que tu auras à peine l'occasion d'utiliser, car ta montée de lait arrive soudainement.

Bébé a repris du poids, on te laisse rentrer à la maison. Mais tu n'es pas sauvée pour autant, car tu continueras à subir chez toi la tyrannie des poussées de croissance, qui affameront ton bébé quelques jours, le feront hurler de plus belle après chaque tétée et te feront, toi, te sentir absolument misérable.

Comme si cela ne suffisait pas, il y a des chances pour que tu aies mal. Je te le dis, parce qu'entre nous, on se dit tout. Tu as beau te tartiner les seins de lanoline, tu n'es pas à l'abri des crevasses, ces plaies sanguinolentes qui te feront regretter ta poitrine d'adolescente, en dépit du fait que tu aies gagné trois tailles de soutien-gorge depuis. Pourtant, ta sage-femme t'avait assuré qu'un bébé bien positionné ne faisait pas mal en tétant !

Alors oui, tu songes à arrêter. Parce que tu en as marre et que tu es crevée. Toute la journée, tu te coltines ton bébé qui pleure, parce qu'il n'arrive pas à prendre le mamelon, qu'il s'endort au lieu de boire, qu'il prend des grammes au compte-goutte. Toute la journée, tu supportes la douleur aux seins en plus de celle, légitime, à ton entrejambe (ou à ta cicatrice de césarienne). Et la nuit, le manège recommence. Tu demandes grâce.

A ce stade, tu as le droit de dire stop. Même dans le cas où, objectivement, ton allaitement se passe bien, puisque ton bébé prend du poids et que tu n'es pas (encore) en dépression. Ça ne fait pas de toi une mauvaise mère. Et tu as le droit de continuer. Parce que tu n'as pas envie de dépenser tes sous dans le lait en poudre, ton énergie à trouver la marque la mieux tolérée, ton temps à préparer, chauffer et laver les biberons (parce que tu es une grosse feignasse radine, parfaitement). Tant que ton bébé grossit et que votre relation ne souffre pas des difficultés, ça ne fait pas de toi une mauvaise mère non plus.

Si tu choisis de continuer, sache que normalement, bientôt, ça ira mieux. Dans quelques semaines, bébé trouvera le sein tout seul, tétera jusqu'au bout comme un grand, te réveillera moins la nuit. Tu auras moins mal, et tu seras moins fatiguée. Alors l'allaitement te paraîtra soudainement plus simple, plus naturel, et peut-être que tu diras finalement comme moi : « L'allaitement, compliqué ? N'importe quoi ! »

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Bien sûr, il m'arrive encore d'avoir des coups de mou, d'en avoir ma claque d'être un self-service sur pattes… Mais à chaque fois que je suis tentée d'arrêter, ce sont les biberons, les dosettes et les bouteilles d'eau minérale qui me semblent teeeeellement compliqués. Alors je continue. Et tout le monde s'en porte très bien.

De toute façon, quoi que tu fasses, on te critiquera

Si aujourd'hui l'allaitement est bien accepté (puisqu'on fait même pression sur les femmes pour qu'elles allaitent, qu'elles le désirent ou non), attends-toi tout de même à recevoir des critiques.

Avant trois mois, on ne va pas se mentir, les gens applaudiront majoritairement des deux mains. Si tu « tiens » au-delà d'un mois, on voudra même te refiler une médaille, comme si tu avais réalisé un exploit sportif.

Mais bon, tu trouveras toujours sur ton chemin des anti-allaitements farouches. Des personnes que « ça ne dérange pas », mais qui pensent que tu devrais te cacher pour allaiter, parce que quand même, c'est un peu dégoûtant. Des personnes qui pensent que tu fais exprès d'allaiter ton bébé pour les faire culpabiliser de ne pas avoir allaité le leur (mais bien sûr). Des personnes qui pensent que l'allaitement est une méthode d'asservissement de la femme par les hommes, et qui associent le biberon à la pilule, l'avortement et le droit de vote, en vrac.

Après trois mois, ça risque de se gâter sévère pour ton matricule. Car la société ne veut pas que tu allaites tant que ton bébé a besoin de lait maternel. Non, la société veut que tu allaites entre 0 et 3 mois.

Si passé cette limite, tu as repris le travail et que tu tires ton lait, on te dira que le tire-lait, franchement, c'est beurk, que ça fait vache laitière, et que tu te compliques bien la vie pour pas grand-chose.

Si tu n'as pas repris le travail et que bébé est toujours au sein, on te dira qu'il est temps de couper le cordon, que ta décision est égoïste pour ton entourage, et notamment le papa, privé de relation avec sa progéniture (non, le bain, les couches, les câlins, ça ne compte pas : aimer, c'est engraisser !), que tu fais du mal à la cause des femmes qui se sont battues pour leur indépendance. Oui, tu te mangeras alors tous les arguments des anti-allaitements sus-cités, mais de la part de tout le monde. Et si tu allaites plus de six mois… n'en parlons pas.

Alors évidemment, entendre ces critiques, ça ne fait pas plaisir. Surtout si tu es une toute jeune mère vulnérable et en manque de sommeil. Mais tu vas voir : ça aussi, ça s'arrangera. Je ne sais pas si devenir maman rend belle (est-on plus belle avec des cernes, des kilos de grossesse persistants et une vieille trace de lait caillé sur l'épaule ? c'est discutable), mais il est certain que devenir maman rend forte. Et bientôt, tu sentiras les mots blessants de ton entourage glisser sur ta peau parce qu'en face, tu auras le sourire ravi de ton enfant quand tu le serres contre toi pour lui donner à manger. Au sein, comme au biberon.

Et toi, tu as souhaité allaiter ton enfant ? Tu as rencontré des difficultés, essuyé des critiques ? Tu as arrêté, continué malgré tout ? Ou au contraire, l'allaitement a toujours coulé de source pour toi ? Raconte !

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !