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A la une / Récit d'accouchement

Mon accouchement physiologique : de mes souhaits à la réalité

Après t'avoir expliqué mon suivi avec ma sage-femme libérale, aujourd'hui, je viens te raconter mon . Avant d'accoucher, j'avais bien aimé lire les récits de naissance, parce que ça te présente plein de façons dont le jour tant attendu peut se dérouler, et ça peut t'aider sur certaines choses à faire ou à éviter.

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Crédits photo (creative commons) : Chris Macks

Mes souhaits initiaux

À moins d'avoir une césarienne programmée, il est difficile de savoir comment ça va se passer. Même si tu as un projet de naissance ou des souhaits particuliers, tu ne contrôles pas tout !

Des souhaits, ça oui, j'en avais ! Mais pour ne pas être déçue, je m'étais mis en tête que « si au moins ça ne se termine pas en césarienne, je serai contente, tant pis si ça doit durer longtemps, si je dois avoir des forceps, une épisiotomie, etc. » Un peu comme Madame Dorée, j'étais prête à tout, mais pas à une césarienne. J'avais en tête que la majorité des accouchements se déroulait par voie basse, sans complication, « donc il y a quand même des chances pour que ce soit aussi mon cas ! »

Bref, je te parlais de souhaits : le plus important, à mes yeux, c'était de faire le maximum du travail à la maison. Aller à la le plus tard possible, quoi (mais pas trop tard non plus !). Option envisageable uniquement si je n'avais pas rompu la poche des eaux. Mais la rupture de la poche des eaux, contrairement à ce qu'on voit dans les films, représente seulement 10% des motifs de départ à la maternité, alors que les contractions en représentent environ 80%.

La perspective d'être allongée dans un lit, attachée aux fils d'un monitoring, à gérer les contractions ainsi parce que c'est trop tôt pour une , ne m'enchantait guère. La sage-femme m'avait donc donné de précieux sur la gestion du début du travail à la maison.

Mon autre souhait, assez général, c'était un accouchement le plus physiologique possible.

Par exemple, éviter la position gynécologique classique, pliée en deux, les pieds dans les étriers, qui, d'un point de vue mécanique, n'est pas optimale pour la sortie du bébé. Sur ce point, si ça t'intéresse, je te conseille de lire Accouchement, la méthode de Gasquet, par Bernadette de Gasquet. C'est un médecin qui s'intéresse à des positions d'accouchement plus en accord avec la physiologie des femmes. Elle présente dans ce livre des positions utiles pour soulager tes maux de fin de et un guide pour trouver ta position d'accouchement.

Autre exemple : essayer sans péridurale. Une question que plusieurs proches m'avaient posée avant d'accoucher, c'était : « Alors, tu vas prendre la péri pour ton accouchement ? » D'abord, je ne vais pas la « prendre », on n'est pas au supermarché (bon, d'accord, je suis tatillonne) ! Ensuite, je ne peux pas décider avant, alors que je ne sais pas encore comment les choses vont se dérouler précisément !

Ainsi, je m'étais dit : « Si ce n'est pas gérable sans péridurale, je n'hésiterai pas à la demander, mais si je vois que ça va vite et que j'arrive à gérer, dans ce cas, j'essayerai de m'en passer. » J'avais bien conscience que pour un premier, c'était souvent long, et que ce n'était pas gagné ! J'ai senti que parfois, essayer sans péridurale était vu par certains comme une régression puisque « maintenant on peut accoucher sans douleur ». D'un autre côté, j'ai trouvé intéressant de leur expliquer ma démarche, et pourquoi la péridurale n'était pas automatique.

Je précise que je ne suis pas du tout anti-médicalisation : je vois la péridurale comme un outil qui peut être très utile ! Mais je vois aussi l'accouchement comme un processus naturel, et ça m'intéressait d'essayer de le vivre ainsi.

Par rapport à mes souhaits, j'étais plutôt confiante, car la maternité où j'allais accoucher était orientée « physio ». On peut accoucher de manière relativement naturelle dans n'importe quelle maternité. Mais là, au moins, je savais que mes souhaits n'allaient choquer personne, et que je serais plutôt aidée à leur réalisation, sous réserve qu'il n'y ait pas de soucis obstétricaux.

Mon travail à la maison

À quelques jours du terme, j'ai hâte d'accoucher, et en même temps, j'appréhende un peu, même si j'ai été bien préparée par ma super sage-femme. Comment vais-je réussir à gérer la douleur ? Est-ce que j'irai au bon moment à la maternité ? Est-ce que le bébé va bien supporter les contractions ? J'ai eu une grossesse très facile, et je ne sais pas encore ce qu'est une contraction. Je guette les moindres signes.

Un matin, je suis réveillée à 6h par des douleurs identiques à celle des règles. J'identifie donc les contractions. Je repense au témoignage de Mme Louli sur son pré-travail, qui a commencé trois jours avant qu'elle n'accouche. Je ne veux donc pas me faire de fausse joie : si ça se trouve, rien de sérieux ne commence. C'est normal d'avoir des contractions de temps en temps à quelques jours du terme.

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J'ai quand même installé une appli sur mon téléphone pour mesurer la fréquence des contractions. En effet, la sage-femme m'a conseillé d'aller à la maternité après des contractions efficaces toutes les cinq minutes pendant deux heures. Du coup, je mets le compteur en route : elles sont là toutes les sept à dix minutes en moyenne. Pourtant, je n'y crois pas, je n'ai pas trop mal. Comme de grosses règles, c'est tout.

Je prends mon petit-déjeuner, je m'assieds sur mon gros ballon (que tu peux trouver à 10 euros dans une grande enseigne de magasin de sport). Quand mon mari part travailler, je lui demande quand même de garder son téléphone à portée de main. Dans la matinée, je prends un bain. Et là, petite déception : les contractions s'atténuent très nettement dans le bain. C'est le signe d'un pré-travail, le vrai travail n'est pas engagé.

Toute la journée, j'applique les conseils de ma sage-femme : je cuisine, je mange, je vais faire un petit tour à pied. Je m'arrête toutes les cinq minutes pour souffler et pour trouver une position qui me soulage. En général, c'est courbée vers l'avant, les mains en appui contre un support.

Ça fait largement plus de deux heures que j'ai des contractions toutes les cinq minutes, mais je n'ai pas trop mal. Je sens que ce n'est pas encore le moment d'aller à la maternité. J'essaie de faire une sieste, mais je suis réveillée toutes les cinq minutes.

En fin de journée, je téléphone à ma sage-femme pour lui décrire la situation. Elle aussi pense que c'est du pré-travail et m'encourage à poursuivre les activités que j'ai faites dans la journée. Elle me dit d'aller à la maternité seulement si j'ai vraiment trop mal.

Mon mari rentre, je lui explique. Lui n'est pas pressé non plus. On va faire trois courses dans un magasin de bricolage pas loin. Toutes les cinq minutes, je me place discrètement derrière un rayon pour gérer la douleur. Mine de rien, ça fait de plus en plus mal. Au dîner, je mange des fraises en dessert, tout en disant : « C'est peut-être pas une bonne idée, les fraises, si j'accouche cette nuit… » (Retiens ça pour la suite de l'histoire !)

Je prends de nouveau un bain… les contractions ne cèdent pas ! Ô joie ! La maman de mon mari téléphone à ce moment-là et veut me parler d'un détail technique qui n'a rien à voir avec la naissance. Je lui réponds, et bien sûr, il y a une contraction à ce moment-là. Je contiens péniblement ma douleur pour qu'elle ne se rende compte de rien.

En fait, je ne souhaite pas prévenir mes proches tant que notre enfant n'est pas né. Je préfère former comme une bulle avec mon mari pour mieux me concentrer. Je souhaite que nous vivions la naissance vraiment rien que nous deux, sans avoir la pression de l'entourage qui se demande si ça y est, bébé est sorti.

Je perds un truc gluant translucide, que j'identifie comme le bouchon muqueux après vérification sur internet. Je finalise les valises. Il est 22h, ça devient dur, mais je parviens encore à gérer la douleur. Je me fixe d'attendre minuit pour appeler la maternité. Mon mari va piquer un roupillon.

Pendant ce temps je m'assieds au sol et enlace mon ballon pour me bercer quand la contraction arrive. C'est une position assez instinctive. Je visualise la contraction comme une vague qui grossit puis s'enroule, diminue et s'efface, tout en expirant à mesure qu'elle s'efface. Je repense à ce que m'a dit la sage-femme : « Prends les contractions l'une après l'autre, accueille-les, ne te crispe pas quand elles arrivent : tu sais que ce sont elles qui vont faire avancer le bébé. »

Le dénouement à la maternité

Arrive enfin minuit. Je préviens la maternité de notre départ. J'ai encore peur qu'il soit trop tôt, qu'on y aille pour rien. Mais j'ai trop mal. Mon mari n'est absolument pas stressé et prend des photos du départ (ça me fait une sacrée tête, sur les photos !). Nous sommes à quinze minutes de la maternité, soit trois contractions très très douloureuses en position assise ceinturée. J'accompagne mon expiration de sons graves (un peu dans le style chant monastique !), et mon mari aussi pour m'encourager.

La sage-femme qui m'accueille est adorable, ça me rassure beaucoup. Elle m'examine : le col est effacé et ouvert à 5 cm. J'en pleure de joie : je n'ai pas fait tout ça pour rien !

Elle m'interroge sur mon souhait d'accouchement. Je lui dis que j'hésite pour la péridurale. Encouragée par la sage-femme qui trouve que je gère bien les contractions, et par mon mari, je décide de me laisser un peu plus de temps. Et surtout, je ne me vois pas du tout gérer les contractions sans bouger en position assise, le temps que l'anesthésiste installe la péridurale.

Après un rapide monitoring, je suis libre de déambuler dans la pièce. Je vomis mes tripes comme ça ne m'est jamais arrivée (les fraises au dîner, je te confirme, c'était pas une bonne idée !). La sage-femme m'explique que ça permet d'épargner l'énergie de la digestion pour la concentrer sur l'accouchement. Elle nous laisse tous les deux. Mon mari m'aide à me doucher, mais le jet d'eau chaude ne me soulage pas, au contraire, ça me déconcentre et je grelotte après. Je retourne sur mon ballon.

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Mon mari m'aide énormément lors des contractions. Il me masse le bas du dos, m'accompagne dans mes sons de polyphonie corse basses, et décompose la contraction : « Tu prends la contraction, tu l'accompagnes, tu es à la moitié, aux trois quarts, elle redescend… » Il parvient aussi à me faire rire. Il me dit : « Un papa, mieux qu'une doula ! » On a découvert quelques jours auparavant ce qu'est une doula : une femme que tu paies pour t'accompagner lors de la naissance. Quand il veut s'absenter le temps d'aller aux toilettes, je lui demande, désespérée : « S'il y a une contraction quand tu n'es pas là, comment je vais faire ? »

Sur certaines contractions, je me dis que la péridurale me soulagerait. Sur d'autres, je revois en flash les femmes qui ont accouché sans péridurale : Kate (Middleton… bah quoi, tu ne sais pas qu'elle a accouché sans péri ?), celles que j'ai vues accoucher lors d'un stage dans un hôpital cambodgien, certaines de mon entourage… et ça m'aide beaucoup ! Lorsque la contraction disparaît, j'essaie de récupérer. Je n'ai plus aucune notion du temps. Lorsque la sage-femme revient, le col est à 9 cm. Je n'ai plus de question à me poser pour la péridurale, c'est trop tard.

Nous passons en salle d'accouchement. Il y a un dispositif avec un ballon sur lequel je m'assois, et un drap suspendu du plafond en hamac, qu'on me cale sous les aisselles pour prendre appui. La sage-femme m'installe un monitoring sans fil pour surveiller le rythme cardiaque du bébé. Donc un élastique autour du ventre avec un capteur, rien de plus !

Je me laisse guider, dans un état second. Je suis dans la « putain de phase » dont m'a parlé ma sage-femme libérale : la phase avant les efforts expulsifs, où les sage-femmes se font régulièrement traiter de tous les noms ! La douleur prend tout mon corps, mais je ne peux pas lutter. Au fil des contractions, mes sons de basses s'apparentent de plus en plus à des mugissements d'hommes préhistoriques en chasse, ce qui me vaudra d'avoir la voix cassée les jours suivants. Entre les contractions, je n'arrête pas de m'excuser du bruit. La sage-femme finit par m'ordonner d'arrêter de m'excuser.

Puis la sage-femme me demande d'aller sur le lit d'accouchement et de me mettre dans la position que je veux. Je commence par me mettre à quatre pattes, mais je tremble de partout, ça me fatigue trop. À partir de ce moment-là, je demande à la sage-femme de me dire quoi faire, je suis incapable de décider quoi que ce soit. Je m'allonge alors sur le dos. J'ai le dos très peu surélevé, les pieds sur de petits cale-pied sur le côté sur lesquels je peux pousser, et je m'agrippe à des poignées. Une bonne alternative à la position gynécologique, à mon goût.

Maintenant, je dois pousser lors des contractions. Je me cambre au lieu de m'arrondir pour pousser, du coup, ça ne fonctionne pas. J'entends l'auxiliaire de puériculture dire : « Elle le bloque. » Ça me décourage et je perds mes moyens. Mais il n'y a pas d'autre issue que pousser et faire sortir ce truc qui me gêne horriblement le bébé. La sage-femme perce la poche des eaux pour accélérer les choses.

Je finis par y arriver. On me propose d'attraper mon bébé, mais je suis tellement KO que je ne préfère pas. Je laisse la sage-femme le poser contre moi, puis le reprendre temporairement pour lui dégager les voies respiratoires, car il a bu la tasse au passage. Je ne suis pas inquiète, je veux juste savourer que ça soit terminé. À ce moment-là, je ressens étonnement peu d'émotion, beaucoup moins que lors des accouchements auxquels j'ai participé pendant mes études.

Ensuite, fiers de nous trois, mon bébé contre moi, nous nous endormons tous ensemble alors que l'aube commence à poindre. Il me faudra plusieurs jours pour réaliser que ce petit être est mon enfant. Même si c'était douloureux, j'ai réussi à accoucher comme je l'avais doucement espéré.

Voilà, le but de mon récit n'est pas de clamer combien j'ai eu de la chance d'accoucher comme je l'avais souhaité, mais plutôt de te présenter une autre expérience, parce que chaque accouchement est une expérience unique qu'on ne peut pas prévoir, mais à laquelle on peut réfléchir. Et, oui, le but est aussi de te dire qu'un accouchement peut bien se passer.

Et toi, avais-tu des souhaits d'accouchement ? Est-ce que tu as pu les réaliser ? As-tu trouvé des « trucs » pour gérer les contractions ? Ton conjoint a-t-il trouvé son rôle ? Raconte-nous !

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !