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Ma fausse couche inaugurale

Je viens ici te raconter mon histoire, apparemment assez banale, celle de ma dite « inaugurale ». Peu de gens en parlent, mais je ressens personnellement le besoin de partager mon vécu.

Fausse couche inaugurale

Crédits photo (creative commons) : Scott Schwartz

Notre histoire

Monsieur Titi et moi-même nous sommes rencontrés il y a six ans. Après avoir adopté un chat, un chien, puis acheté notre maison, nous avons décidé de nous marier (gnii), tout en suivant évidemment Mademoiselle Dentelle.

C'est donc tout naturellement que nous avons ensuite décidé d'arrêter la contraception, début août : ça coïncidait d'ailleurs avec notre voyage de noces !

Nous ne nous sommes pas mis la pression pour cette , nous n'étions pas pressés : j'avais des projets importants avec mon boulot dans le courant de l'année, et nous devions aménager le grenier de notre maison pour accueillir notre future famille.

Quand j'ai appris ma grossesse

Mi-septembre, de nombreuses odeurs ont commencé à me gêner : les poubelles, le frigo, le curry… J'avais un jour de retard. Mon moi intérieur me disait : « Non, tu as arrêté la pilule il y a un peu plus d'un mois, ça ne peut pas déjà arriver… » Mais j'ai acheté un test de grossesse.

J'ai fait ce test le lendemain matin, mais le résultat m'a paru incertain : elle y était, cette deuxième barre, ou pas ? On la voyait seulement en plissant les yeux… Moi qui pensais être fixée, c'était foutu ! Qu'à cela ne tienne, j'ai racheté un test et l'ai fait le lendemain matin – mais j'ai obtenu le même résultat. Quelle frustration !

J'ai attendu encore quatre jours avant de faire un nouveau test. Cette fois, positif. Contrairement à ce que je pensais, je n'ai pas sauté de joie, je n'étais pas hyper heureuse. Mais j'étais enceinte.

En rentrant le soir, j'ai retrouvé monsieur Titi. Je lui ai demandé de deviner qui allait devenir papa. Il a cherché, et j'ai fini par lui dire : « C'est toi ! » Il n'a pas bien compris au début, puis a réalisé, mais comme moi, il n'a pas sauté au plafond. Ne te méprends pas : nous avons été tout de même très heureux, mais ça ne nous paraissait pas réel.

Les jours qui ont suivi, j'ai passé beaucoup de temps à lire des témoignages de grossesse sur ce blog. Je me suis faite à l'idée d'être enceinte, petit à petit.

J'ai aussi fait un bilan sanguin, avec un dosage de Béta-hCG, qui a confirmé cette grossesse de 5SA. Pourtant, une petite voix intérieure me disait : « Ne te projette pas trop, on ne sait jamais… » Oui, je pensais aux fausses couches, aux grossesses extra-utérines, aux œufs clairs…

J'ai mis une bonne semaine avant de commencer à me projeter un peu plus : j'ai commencé à regarder les meubles pour la chambre du bébé, le matériel pour accueillir un bébé (aïe aïe aïe, qu'est-ce que ça coûte cher !!)… Je pensais également aux projets liés à mon travail : deux ne seraient pas impactés, le troisième et le plus important devait se tenir à mes 6 mois de grossesse. Pour le dernier, ils devraient faire sans moi (snif) !

Petit à petit, je me suis imaginée avec un ventre arrondi, puis à la , puis à la maison avec notre petit bout. Monsieur Titi, quant à lui, n'a pas renouvelé son inscription au sport pour pouvoir mieux se concentrer sur les travaux du grenier : eh oui ! Finalement, ça l'a un peu bousculé de ce côté !

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Nous étions tous les deux très heureux, mais comme je le répétais : « N'en parlons pas encore, pas avant l'écho, pas avant de voir que tout va bien… »

La désillusion

Le jour de ma huitième semaine d'aménorrhée, alors que je suis au travail, j'ai l'impression de perdre du sang. Je prends sur moi, essaie de ne pas y penser afin de ne pas le montrer.

Je prends une petite pause et en profite pour passer aux toilettes vérifier mes craintes, qui s'avèrent fondées. Je prends sur moi ensuite pendant une heure, alors que je sens que j'ai toujours des pertes. Je me dis : « Ça ne peut pas être ça ! J'ai lu quelque part que quelques femmes avaient ce qu'on appelle des règles anniversaires… »

Ayant une heure pour changer de lieu de travail ensuite, j'en profite pour appeler mon médecin en lui expliquant la situation. Il y a quelques secondes de blanc, puis : « C'est sûrement une fausse couche. » Bam. Comme ça. Il n'y avait pas une autre manière de le dire ?

Je me mets à trembler, et lui demande ce que je dois faire. « Il n'y a rien à faire. On fera une prise de sang dans une semaine pour vérifier. » Je raccroche. Je tremble. Je suis incapable de retourner travailler dans cet état. Monsieur Titi me conduit donc aux urgences.

L'interne qui m'ausculte est très douce. Elle me dit qu'effectivement, il peut s'agir d'une fausse couche, que la prise de sang nous en dira plus, et qu'en fonction des résultats, un gynécologue viendra peut-être me faire une échographie.

Nous attendrons une heure et demi les résultats de cette prise de sang. Mon taux de Béta-hCG n'a pas suffisamment augmenté pour 8SA. Le diagnostic de fausse couche est confirmé. Je suis dévastée. Je pleure. Nous rentrons.

À ce moment, je me sens vidée, triste. Mais en même temps, je l'avais pressenti, tout ce temps où je me refusais d'y penser, de trop me projeter. Et je me dis que nous avons bien fait de ne pas annoncer cette grossesse. Je n'aurais pas supporté de répéter à tous ceux qui me demandaient si je n'avais pas trop de nausées que, non, je n'étais plus enceinte.

Le soir même, nous prévenons notre famille proche. Nous souhaitions être entourés lors de cette période difficile, et nous avons bien fait. Tout le monde est très prévenant avec nous. Le fait d'en parler m'aide beaucoup à accepter la situation.

Les trois jours qui suivent sont difficiles moralement. Je commence à me poser beaucoup de questions :

  • Que dois-je faire ?
  • Que va-t-il m'arriver ensuite ?
  • Est-ce que tout est bien évacué ?
  • Comment être sûre que ce n'est pas une ?

Puis, les résultats de ma nouvelle prise de sang arrivent. Mon taux n'a quasiment pas baissé, je retourne donc aux urgences. Voici donc l'épisode où j'ai l'impression d'être un boulet, que ma situation n'existe pas.

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Là-bas, la secrétaire ne comprend pas bien mon dossier, me laisse patienter pour me dire que finalement, je dois aller à la maternité. J'y croise beaucoup de femmes enceintes, j'entends des bébés qui pleurent, je me demande ce que je fais ici.

Une sage-femme vient à ma rencontre, et cherche à comprendre ma situation. J'ai l'impression d'être un imposteur, de ne pas être à ma place. Un gynécologue finit par me recevoir. Il me fait une échographie, mais ne me parle pas. Il me dit seulement qu'il croit voir un sac. Puis il met dix minutes à remplir mon dossier et me fait une ordonnance pour faire un nouveau dosage.

Je repars. À nouveau, sans explications, sans un mot, sans savoir ce qui va – ou peut – se passer.

Cette fois encore, je me sens très mal. Mais cette fois, j'identifie ce mal : je souffre d'un manque d'informations, personne ne m'explique rien… Mais m***e, il s'agit de mon corps, non ? J'ai le droit de savoir ce qui se passe !

Je refais deux prises de sang quelques jours plus tard. Ces journées me paraissent interminables. Mais la bonne nouvelle, c'est que les taux baissent vraiment, cette fois. Oui, mais ça veut dire quoi ?

La fin de l'histoire

Une semaine plus tard, je vois ma gynécologue, pour ce qui devait être le rendez-vous de datation. Je trouve enfin une personne qui me comprend et m'explique.

J'ai fait ce qu'elle appelle une fausse couche inaugurale : une fausse couche dès la première grossesse. Elle me rassure en m'expliquant que c'est très courant, et que ça n'empêche rien pour la suite. Elle m'examine, puis me fait une échographie, confirmant que mon utérus est bien vide (ouf !).

Je peux enfin repartir à zéro. Tout cela est désormais derrière moi.

Tout au long de ce parcours, qui m'a semblé long et court à la fois, je ne me suis jamais sentie coupable. J'ai toujours pensé que si cette fausse couche était arrivée, c'est que l'embryon n'était pas viable, et que la nature fait généralement bien les choses.

J'ai néanmoins été très surprise, dans le mauvais sens, par les échanges que j'ai eus avec certains membres du personnel médical. J'étais en détresse morale, car je ne savais pas ce qui m'arrivait, et peu de gens m'ont apporté des réponses pendant cette période.

J'ai ressenti le besoin de parler de mon histoire à beaucoup de gens. Au travail, en famille, entre amis… Et partout, j'ai rencontré des femmes avec une histoire similaire. La fausse couche est très répandue, mais personne n'en parle.

Si aujourd'hui je témoigne de mon histoire, c'est pour te prévenir, si tu es en essais, que ça peut arriver, si tu vis une épreuve similaire, que tu n'es pas seule, et de façon générale, que deux femmes sur trois ont vécu ou vont vivre une fausse couche dans leur vie.

Et toi ? Tu as vécu une fausse couche ? Trouves-tu que tu étais suffisamment informée de ce qui se passait ? Savais-tu que c'était aussi fréquent ? Viens en parler…