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A la une / Témoignage

La perte de mon bébé en fin de grossesse

Seize ans aujourd'hui…

Je suis alors enceinte de 8 mois et demi, de mon troisième enfant. Pour les deux premiers, j'ai accouché avec deux semaines d'avance. Je pense donc que ce n'est plus qu'une question de jours avant que je puisse prendre ma fille dans mes bras. Eh oui, nous savons que c'est une fille, et nous avons choisi son prénom…

Mais ces jours-ci, je suis très fatiguée. Mon fils de 4 ans étant malade, j'ai dû m'occuper de lui plusieurs nuits de suite. Il a la grippe, et comme il a beaucoup de fièvre et que ça le fait un peu délirer, il fait des cauchemars et se réveille sans arrêt. Nous le gardons donc avec nous dans notre lit.

J'ai demandé au médecin si c'était dangereux pour moi ou pour le bébé que j'attrape la grippe. Il m'a répondu que ça risquait seulement de me donner de la fièvre, et donc de déclencher des contractions. Je risque d'accoucher quelques jours plus tôt, ce qui, vu que je suis quasi à terme, ne serait pas un problème.

Au bout de deux ou trois jours, mon fils semble enfin aller mieux : la fièvre a baissé et il dort enfin paisiblement. Je me repose un peu, en me réjouissant de pouvoir peut-être enfin faire une nuit complète… Mais je commence à ne pas me sentir très bien, à avoir de la fièvre, des frissons, des courbatures… Ça y est, j'ai la grippe, moi aussi.

Je passe la nuit sans pouvoir me reposer, vraiment malade à mon tour, puis la journée suivante à essayer de lutter contre cette fièvre, sans trop pouvoir prendre de médicaments, à cause de ma .

Le soir, je me rends compte que je n'ai pas senti le bébé bouger depuis un certain temps. Depuis plus d'une journée, en fait… Je le stimule, j'attends un peu. Pas de réaction… Il est vrai qu'en toute fin de grossesse, le bébé ne bouge plus trop, car il n'a plus la place. Je suppose que c'est normal, mais je préfère vérifier. Je demande donc à mon mari de m'emmener à l'hôpital, pour être sûre que tout va bien.

Je passe sur le temps d'attente à l'hôpital, enceinte de 8 mois et demi et fiévreuse, et sur le questionnaire qui me donne encore plus l'impression de m'inquiéter pour rien…

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Enfin, on me fait une échographie… Et je vois à la tête de l'interne que quelque chose ne va pas… Mais il ne dit rien… Jusqu'à ce que je réalise que je ne vois pas le cœur battre et que je pose la question : « Le cœur ne bat plus ? » Il me répond simplement : « Non. »

Je vois mon mari devenir blême. Mais moi, je refuse encore d'y croire. L'interne me dit qu'on ne fera rien ce soir, qu'il faut rentrer à la maison, dormir, et revenir le lendemain matin.

Assommée, je rentre chez moi. Je retrouve mes deux autres enfants, et ma mère qui les gardait. Il faut annoncer à tout ce monde que le bébé est mort…

Deuil périnatal

Crédits photo (creative commons) : Flachovatereza

Le lendemain, retour à l'hôpital, où l'on me dit qu'il va falloir que j'accouche. Moi, je pensais qu'on me ferait une césarienne, mais non : le gynéco m'explique qu'on ne fait pas de césarienne dans ces cas-là, car « il n'y a plus d'urgence »… !

On m'examine. Mon col n'est pas du tout ouvert, l' n'est pas pour tout de suite… Ça peut se déclencher naturellement dans quelques jours, ou on peut me déclencher, mais pas sûr que ça fonctionne. Il faudrait voir avec le chef de service. Je peux rentrer chez moi et revenir plus tard…

Là, ça commence à bien faire ! Je me fâche pour qu'on me déclenche, là, maintenant, tout de suite ! Je ne rentrerai pas chez moi, je veux que tout ça se termine ! Le chef de service déboule, pas très content, mais je ne cède pas : je veux qu'on me déclenche.

On me met un tampon pour me déclencher, et j'attends, j'attends… On me remet un autre tampon de temps en temps… Le soir, c'est-à-dire dix à douze heures plus tard, je sens enfin les premières contractions. On m'emmène en salle de travail. J'accouche sous péridurale, normalement, d'un beau bébé de 3 kg.

Je demande à la garder près de moi un peu, à la tenir dans mes bras… Elle ressemble énormément à sa grande sœur, qui a 8 ans… Elle est si belle… Comment est-ce possible qu'elle ait cessé de vivre ? Puis les infirmières l'habillent, avec les beaux vêtements que j'avais apportés pour elle… et l'emmènent pour toujours…

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C'était le 21 janvier 2000. Elle s'appelait Léa. Aujourd'hui, elle aurait 16 ans.

Deux jours plus tard, il a fallu rentrer à la maison. Vider la chambre du bébé, qui était prête, avec les couches et les grenouillères qui attendaient son arrivée…

Trois jours plus tard a eu lieu l'enterrement, que nous avons organisé dans le cimetière de notre commune. Nous sommes ensuite allés régulièrement porter des fleurs sur la tombe, avec son grand frère et sa grande sœur. Il était nécessaire pour nous d'avoir un lieu où nous recueillir… Il était aussi primordial pour moi qu'elle soit inscrite sur le livret de famille, comme notre troisième enfant.

Ce qui a aussi été très important, ça a été de savoir pourquoi elle était morte, et donc de demander une autopsie, malgré les réticences des médecins qui n'en voyaient pas la nécessité. Ils me disaient : « Ce sont des choses qui arrivent… » Moi, je voulais savoir, comprendre, sinon j'aurais eu du mal à envisager une autre grossesse.

Et après de longs mois, nous avons eu la réponse : la mort était due à une attaque virale, probablement la grippe…

Donc si je témoigne aujourd'hui, c'est en souvenir de ma fille, mais aussi et surtout pour prévenir les femmes enceintes que la grippe est dangereuse pour leur bébé et qu'elles doivent aller se faire vacciner ! Oui, le vaccin contre la grippe est possible, et même recommandé, si on est enceinte ! Mais peu de médecins le disent, et je trouve ça très dommage…

Pour finir sur une note optimiste, je voulais dire que, même si ça ne semble pas possible sur le moment, on s'en remet, que la vie reprend le dessus. Quelques mois plus tard, j'étais de nouveau enceinte. Je me suis fait vacciner, bien sûr… Et un an et deux mois après la mort de Léa, j'accouchais d'un beau garçon en pleine santé, qui va bientôt avoir 15 ans, qui me dépasse d'une bonne tête, et qui va très bien (enfin, aussi bien que peut aller un adolescent de bientôt 15 ans… mais ça, c'est une autre histoire !).