Tu n’as que deux ans et tu me fais penser à moi.
Ton calme, ta maturité et ton caractère bien trempé me remplissent de fierté. Ton visage me ressemble, c’est normal, je suis ta mère. Dans tes yeux, je me revoie petite fille.
Tout tes traits s’éclairent lorsque j’apparais dans la pièce. Tu m’aimes. D’un amour inconditionnel. Tu me fais confiance, comme jamais personne auparavant. Je suis ta maman.
Ce poids d’amour et de confiance, je le porte sur mes épaules, et il peut parfois me sembler un peu lourd. Car j’ai une annonce à te faire. De seul objet d’amour, de seul être d’attention, tu vas passer en second plan. Tu ne peux le comprendre, mais tu ne seras plus le seul bébé de maman. Tu montes en grade dans la hiérarchie familiale, tu deviens petite fille et aînée. Et oui, maman attend un heureux évènement.
J’ai peur de revivre mon histoire familiale, et que dans ce film, tu prennes le rôle que j’avais à l’époque. Celui de l’aînée, la responsable. Celui de la petite fille très calme, trop calme, celle que l’on entend pas. Celle qui ne dit pas: quand elle va bien, pas bien et qui retient toutes émotions. Celle qui se bat en silence contre le tumulte de sa douleur, sa tristesse, sa colère, ses peurs, ses désirs, ses besoins.
J’ai peur que tu prennes mon ancien rôle de petite fille incomprise et en colère, qui ne comprend pas qu’un autre bébé ait pris sa place. Qui se venge sur cet être qu’elle ne peut nommer « petite sœur », comme ses parents le voudraient. Qui cherche à lui faire du mal, à la taper, à la blesser, physiquement d’abord et moralement ensuite. Le but étant peut être que cette petite sœur maléfique s’en aille ou disparaisse. Si on va plus loin, le but était peut être que quelqu’un ressente un peu la rage ressentie dans ce petit corps et soit la miroir de cette colère insoupçonnée.
J’ai peur que tu prennes mon rôle et que je ne sache pas comment réagir, aujourd’hui, en tant que ta mère. J’ai peur de ne rien pouvoir faire de plus que ma mère à l’époque. Elle qui n’a pas vu, pas senti et que j’ai tant détesté lorsque j’avais ton âge. Elle qui a dû faire comme elle a pu, avec ses capacités et ses moyens. Elle qui au final, a dû faire bien.
Oui, j’ai peur que tu prennes mon rôle. Mais tu n’es pas moi. Et je ne suis pas ma mère.
Tu géreras ce nouvel être comme tu le géreras. Et moi aussi, je ferais comme je pourrais. Avec mes moyens propres et mon état d’esprit. Et, je le sais, je ferais au mieux, pour t’aimer et t’élèveras, toi ainsi que ton frère à venir. Faisons nous confiance.
Toi aussi tu attends un enfant? As-tu cette crainte de revivre tes vieux schémas familiaux?