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M’abandonneras-tu pour un 3ème enfant ?

Voici mon histoire, simple et banale. Je suis l’heureuse maman de 2 beaux enfants de 5 et 2 ans, un garçon et une fille, une belle vie à quatre, un équilibre parfait. Mon mari et moi sommes ensemble depuis 8 ans, nous nous aimons sans passion mais avec tendresse, et le respect et la sincérité sont des piliers de notre relation.
Nous sommes ce qu’on appelle des gens simples, calmes, discrets, tempérés, et cela nous convient très bien. Nous avons fait tout bien comme on nous l’a appris (nos familles et la société), à savoir : rencontre, concubinage, mariage, maison, bébé. « Cet ordre tu respecteras, ou anormal tu seras », voilà en gros ce que notre inconscient nous dictait. Le nombre d’enfant n’avait pas été fixé dès le départ, je lui avais juste dit que je voulais absolument une fille, désir conscient et vital de construire une relation mère/fille que je n’avais pas connue moi-même, comme un besoin profond de réparer une blessure du passé.

Il était si fier que j’attende un garçon en premier, l’héritier était en route, style « Le Roi Lion ». je pouvais entendre la musique du film dans ma tête… Moi j’étais très déçue et je ne le cachais pas, parce que je ne voulais pas seulement une fille, je voulais une grande sœur pour mon deuxième enfant, cette grande sœur que moi je n’avais jamais eu et qui m’avait tant manquée. Une grande sœur empathique, qui vous fait des câlins à la sortie de l’école, elle serait un peu garçon manqué et irait casser la gueule des grands qui embêtent son petit frère (ou sa petite sœur). Une deuxième petite maman, douce, complice, magnifique. Ce fantasme, c’était le mien, il s’est éteint à jamais.

Tant pis, ce serait un grand frère, et je prierai pour qu’il ne soit pas un bourreau en devenir. Puis le deuxième arrive, et on nous annonce une fille. Et voilà que bizarrement, je suis à nouveau déçue… Mais je comprends parfaitement pourquoi. Mon mari a eu ce qu’il voulait, un enfant de chaque sexe, le choix du Roi, pour lui la famille est au complet. Si mon second avait été un garçon, j’aurais pu négocier le 3ème enfant pour tenter d’avoir ma fille. Et je me l’avoue enfin, une famille nombreuse, c’est cela qui me fait rêver.

Voilà que les enfants grandissent et que la fatigue passée, les nuits rallongées, vient poindre à nouveau ce désir d’un autre enfant. Mais cette fois-ci, ce désir est violent, brulant, comme une bouffée de chaleur, comme un malaise au fond du ventre, comme le désespoir de se sentir « vide » (d’enfant).

J’en parle à mon mari, sa réponse est claire : pour lui l’aventure « bébé » est bien finie. Et toutes ses raisons sont recevables : sommeil, fatigue, budget, place, et 4 c’est le chiffre parfait, où met-on le 5ème quand on va au restaurant ? 5 ce n’est pas paire, ce n’est pas parfait, ce n’est pas rond, pas fluide, pas pratique : en un mot, c’est NON.

Je lis plusieurs articles sur internet qui parlent de ce sujet, du point de vue des papas, des mamans, de l’horloge biologique, des hormones, de l’histoire familiale, des excuses, des prétextes… je suis inondée d’informations et voilà que je doute. Mon mari s’inquiète de me voir déprimer, il vient me parler à son tour de ses inquiétudes. Il me raconte qu’il a lu sur internet (décidément) qu’il y a des femmes qui ont tellement envie d’un 3ème enfant qu’elles quittent leur conjoint réticent pour le faire avec un autre. Je comprends la question qu’il ne prononcera pas : « Veux-tu un 3ème enfant au point de m’abandonner ? »

Car mon mari, c’est un peu la vieille école. Enfant d’un divorce douloureux (le mot est faible), pas question pour lui de casser notre mariage. Fils d’une mère adultérine qui a abandonné son mari car trop malade (même mourant), pas question de rompre ses engagements : amour, fidélité, soutien dans la santé comme dans la maladie.
Les valeurs de mon mari sont fortes et basées sur une enfance traumatisante avec une maman « catin » et un papa condamné par une maladie mortelle. Le choc de la trahison de sa mère envers son père l’a bouleversé au plus profond de son être. Pas question de tromper, dans un sens ni dans l’autre, pas question d’abandonner son conjoint, quelle qu’en soit la raison. Pas question de se poser la question, pas de questions. Pas de porte de sortir, pas d’échappatoire. Cela peut ressembler à une prison, mais en fait c’est un cocon de sécurité. C’est comme l’armature en acier qui compose le squelette de votre voiture : elle ne vous garantit pas qu’il n’y aura pas d’accident, mais elle sera toujours là pour vous protéger.

Mon mari est quelqu’un que j’aime et que je respecte, il est honorable et sincère, il est amoureux de moi, il donne tout à nos enfants. J’ai beaucoup de chance de l’avoir dans ma vie. « Alors, de quoi tu te plains ? » me dit la voix dans ma tête.

Depuis plusieurs mois, depuis la résurgence de ce désir d’enfant, depuis le non de mon mari, s’ensuit un dialogue incessant et insoluble entre mon cœur et ma raison, pas toujours très tendres l’un envers l’autre. Cela donne à peu près ceci :
– (le cœur) Et si la ménopause arrivait ? Et si c’est bientôt trop tard ?
– (la raison) Tu n’as que 35 ans… Aujourd’hui les femmes font des bébés à 40 ans, tu as le temps !
– (le cœur) Oui, j’ai le temps d’attendre, de voir venir, voir s’il change d’avis. Et s’il ne change pas d’avis ? C’est le quitter ou me résigner ? Pourquoi c’est à moi de choisir ? Ce n’est pas juste !
– (la raison) La vie de couple est faite de compromis, de sacrifices.
– (le cœur) La vie de couple ou la vie de femme ? Les compromis, les sacrifices ne sont pas aussi pour les hommes ? J’ai envie de hurler sur les toits mon désir d’enfant ! Mais alors je passerai pour une cinglée !?
– (la raison) Evidemment, d’ailleurs, cinglée, TU L’ES ! Tu as déjà 2 beaux enfants ! Tu en veux plus, plus de bonheur, que cherches tu vraiment ? Ils ne te satisfont pas ? Tu ne les apprécies pas ? Alors tu es une mauvaise mère de ne pas t’en contenter !
– (le cœur) Mes enfants sont la douceur incarnée, ils seraient ravis d’avoir un petit frère ou une petite sœur, plus d’enfants, plus d’amour, plus de jeux, ça marche comme ça.
– (la raison) Tu n’en sais rien ! Si ça se trouve, ils vont le rejeter, tu vas les traumatiser, ils se sentiront remplacés… Tu es EGOISTE ! Et c’est sans parler de la surpopulation et du réchauffement climatique ! Tu n’es pas qu’égoïste, tu es une CRIMINELLE.
– (le cœur) M’en fous, m’en fous, m’en fous, si j’abandonne mon rêve et qu’il est un jour trop tard, j’en voudrai à mon mari tout le reste de notre vie, comment lui pardonner ?
– (la raison) Et si tu changes d’avis dans quelques mois ou années ? Est-ce possible ? Ce désir qui semble déraisonnable va-il s’éteindre ? Quand ? Qu’est ce que ce bébé imaginaire viendra t’apporter dont tu sembles avoir tant besoin ? Pourquoi est-ce si important ?
Et voilà la question finale et capitale : pourquoi est-ce si important pour moi ? Est-ce que ça l’est vraiment ?

A suivre …