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Conseils / Témoignage

« Un 3ème ? Pitié, retiens-toi ! »

Cette phrase assassine est sortie de la bouche de ma propre mère. Adieu câlins, bonjour poignards. Voici le contexte (si vous n’avez pas lu mon article « M’abandonneras-tu pour un troisième enfant ?), j’étais empêtrée depuis des semaines dans une dispute sans issue avec mon mari, sur le sujet du 3ème enfant, moi le désirant ardemment, lui rejetant l’idée sans ménagement.

Notre couple souffrait tellement de ce désaccord que nous avions convenu de ne plus aborder le sujet pendant plusieurs semaines, afin de ne pas laisser notre relation souffrir davantage, et tenter d’apaiser les tensions et les blessures des mots échangés.

Nous n’en parlerions donc plus entre nous, mais moi j’avais besoin d’échanger encore sur le sujet et avec une autre personne que mon mari. J’ai fait une petite introspection face au désarroi de voir un désir si cher m’être interdit, j’ai cherché ma place dans ce monde pour réfléchir, il en est sorti ceci : je suis une femme, je suis une épouse, je suis une mère, et je suis une enfant, l’enfant de quelqu’un. La femme que je suis ne peut pas m’aider, elle est empêtrée dans des désirs brulants dont elle ne sait pas s’ils sont dus aux hormones, à un souhait véritable, à un cri de liberté, bref cette femme est trop perdue pour m’aider. L’épouse que je suis est en conflit avec son mari, elle est aussi en perdition. La mère que je suis ne peut pas aborder ce sujet avec ses jeunes enfants, ils n’y comprendraient rien, et ce n’est pas leur rôle d’avoir un avis.

Alors il reste l’enfant que je suis, et comme toute enfant qui est face à un problème grave et une souffrance importante, je veux appeler qui ? Ma Maman.

C’était si tentant de prendre mon téléphone, et si naturel de me tourner vers celle qui m’a donné la vie, pour étaler tout mon malheur et chercher le soutien et le réconfort dont j’avais tant besoin. Mais les choses sont allées si vite que sa réponse, brutale et crue, m’est arrivée par le combiné en pleine figure « Un 3ème ? Oh, non ! RETIENS-TOI ! »

« Retiens-toi », comme si j’avais envie de faire pipi au milieu de l’autoroute,

« Retiens-toi », comme si j’étais un enfant faisait une crise au rayon jouet du super marché,

« Retiens-toi », comme si j’étais au régime et que je réclamais une tablette de chocolat…

« Retiens-toi », « Retiens-toi »… Les bras m’en tombent, le choc est violent, les larmes montent et il ne me reste que le silence d’un téléphone pour seul compagnie.

Non Maman, je ne suis pas prise de l’envie soudaine d’aller me soulager, je pense que la question n’est pas physiologique, mais bien plus complexe,

Non Maman, je ne suis pas en proie à un caprice de gosse qui veut son paquet de bonbon sinon rien, mon cerveau, contrairement à celui des jeunes enfants, a achevé sa maturation depuis bien longtemps et c’est pour cela que je cherchai un adulte avec qui parler,

Enfin Non Maman, ce n’est pas le caprice du dimanche après une semaine de diète, et je ne sais pas d’où vient ce désir intense qui pousse dans mon utérus depuis des mois, qui crie « Au vide ! » comme on crierai « Au secours ! », mais je crois que ça va bien au-delà d’une envie pressante, d’une pulsion, d’une babiole,

Si je devais émettre des idées, je dirais que cela vient en premier d’un désir hormonal et intense, que mon mari a compris, mais contre lequel il lutte. En deuxième, cela vient probablement d’une profonde nostalgie : voir les grossesses des copines, les bébés des autres, les photos de mes enfants et leurs petits vêtements… j’en veux encore ! Et enfin, cela provient j’en suis certaine, d’un profond chagrin engendré par la perte. Je n’ai jamais été aussi heureuse qu’enceinte et jeune maman de toute ma vie. Cet état a disparu ou disparaît lentement, c’est une perte de la plus belle période de ma vie. Et par conséquent, un profond chagrin. Et cette perte nous amènera inévitablement vers la question de la mort qui nous attend tous. Qui veut passer à cette étape ?

Mais alors voilà où j’en suis Maman, toi que j’ai appelée pour chercher le réconfort que je n’aurai jamais, que pourras-tu me sortir d’autre ? Le choc passé de cette réponse, du « Retiens-toi », je me suis interrogée car toi, tu as eu 3 enfants. Et le dernier, j’en ai été témoin, tu l’as aimé et chouchouté bien plus que nous autres. Sûrement parce que c’était le dernier, celui qu’on veut protéger.

Et il le méritait tout cet amour, lui qui était plus mignon, doux et câlin que nous autres, je l’adorai aussi. Alors pourquoi me refuser ce bonheur à moi aussi ? Pourquoi ne pas partager avec moi l’expérience formidable d’avoir eu un petit 3ème ? Pourquoi me l’interdis-tu ?

Je sais que tu ne peux plus rien m’interdire et il est trop tard, 30 ans d’expérience avec toi auraient dues me préparer à ne pas passer ce coup de fil et ne pas entendre ces mots. Mais cela a été plus fort que moi, je n’ai pas contrôlé mes neurones primaires qui appellent « à l’aide » leur maman en cas de détresse ; on ne se refait pas, éternelle optimiste que je suis. Ce ne sera ni la première, ni la dernière fois que je n’entendrai rien d’encourageant venant de toi.

Alors je conclurai avec cette doléance, car je ne sais pas quand je trouverai à nouveau le courage de revenir vers ma Maman pour demander son aide, alors s’il te plaît, Maman, si tu m’aimes, « Retiens-toi » de me dire des choses comme ça.