Depuis quelque temps, avant même la sortie du film Vice Versa, je savais qu'il y avait pas mal de gens dans ma tête, à se disputer les commandes. Chez toi aussi, sûrement, parce que je crois que nous fonctionnons tous plus ou moins de cette façon, que c'est plutôt normal tant que tout le monde s'entend bien là-dedans ! Si je faisais l'appel, voilà qui je trouverais :
- une éternelle enfant, qui saute dans les flaques d'eau et s'émerveille des paysages, qui aime jouer et s'amuser, et qui a peur d'avancer dans un couloir tout sombre,
- une femme d'affaires, à qui on ne la fait pas, qui gère son boulot et ses aléas avec professionnalisme,
- une femme un peu légère, qui aime les sacs à main, et ne suit pas son régime. Elle lit les actus people et trouve « troooop beau » ce Savant fou qu'elle a épousé il y a quatre ans !
- une ado rebelle avec son jean à trous, qui écoute du gros hard rock et envoie bouler toute forme d'autorité,
- et enfin, une hippie nouvelle génération, qui médite et fait du yoga en harmonie avec la nature.
Dans le quotidien, elles savent à peu près se laisser la place… mais pas toujours ! Il arrive que l'une ou l'autre me manque par moments, et c'est important de leur « laisser les manettes » chacune à son tour…
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Mais il y a deux ans, je suis devenue Maman pour la première fois. Je pensais que peut-être, une unité s'organiserait entre toutes ces facettes et qu'il me serait plus facile de leur dire de se taire ou de s'exprimer… mais rien de tout ça !
Une nouvelle moi est apparue… ou plutôt, elle était là dès le départ, mais je ne m'en suis rendu compte qu'au moment où j'ai pris dans mes bras mon bébé et ses grands yeux noirs : une louve qui protège et qui défend.
Une louve qui trouve que c'est bien du bruit et du bazar toute cette vie autour, et que pour le bien-être du petit, il vaut mieux parfois rester dans sa grotte. Une louve qui va mordre le docteur qui fait pleurer son louveteau, et qui pleure à son tour de ne pas réussir à nourrir son bébé du premier coup.
Et elles ont continué à vivre toutes ensemble dans ma tête, en bonne harmonie avec le bébé qui grandissait, le compagnon qui jonglait lui aussi avec ses envies et ses humeurs, parce que c'est bien normal, et le travail qui se passait bien, et la vie sociale qui continuait… et tout se passait sans problème… ou plutôt sans bruit… jusqu'à ce que l'on se rende compte que ça ne se passait pas si bien que ça !
Tout d'un coup, tout semble inadapté :
- L'appartement ne convient plus maintenant que bébé marche, et le chat ne sait plus où dormir en paix !
- Et on fait trop de trajets pour aller travailler, ce n'est pas normal que la nounou voit plus le louveteau que nous !
- Et on n'a plus le temps de jouer et de se reposer !
- Depuis combien de temps on n'a pas fait de yoga ?
- Et puis, on n'a plus rien à se mettre qui ne soit pas troué ou taché !
Et c'est à ce moment qu'on fait un choix. Il faut organiser une réunion avec sa louve, sa femme d'affaires, son enfant turbulent, son ado rebelle, sa bimbo et sa hippie, et aussi tout le monde dans la tête du compagnon. Et on prend une décision ! Celle de changer de vie.
Aujourd'hui, ça fait trois mois que l'on a enfin changé. On a deux louveteaux (le deuxième a été conçu pile au moment où on s'est dit « ça doit changer »), on a changé de ville, et on est en train tous les deux de changer de travail (mais ça prend du temps pour faire ça intelligemment).
En s'organisant tous les deux, on ne fait garder nos deux pépettes que trois jours et demi, et elles passent trois jours et demi avec nous (sur une semaine de sept jours, on est plutôt contents : nous sommes tous à mi-temps, donc).
Notre vie sociale ? On l'a changée en gardant les amis qui tiennent la distance, et on s'en fera d'autres ici ! Notre épanouissement ? On l'a trouvé, et priorisé ! On a fait le choix de se faire une autre tanière pour y vivre ensemble, plus ouverts sur le monde, sur les autres, sur la nature. Après tout, le reste, ça va, ça vient, et il faut bien se raccrocher à ce qui compte vraiment.
Mais la morale de l'histoire, quelle est-elle ?
Déjà, que nous sommes heureux d'avoir été rapidement sur la même longueur d'onde avec le Savant fou, parce que les choix de vie sont plus faciles comme ça ! Évidemment, on se sent parfois tristes de ce qu'on a perdu, et nous sommes vigilants à être à l'écoute des émotions de l'autre et des nôtres…
Ensuite, qu'il a fallu se battre et se débattre au niveau logistique, organisationnel, et même d'un point de vue financier pour provoquer le changement (entre le licenciement de la nounou, le déménagement, le congé parental le temps d'accueillir notre deuxième bébé en faisant les cartons, et tout le reste : 4000€ dépensés) ! La famille a pu nous être d'une aide incommensurable, ne serait-ce que pour le soutien moral !
Alors quel avenir forge-t-on à nos enfants ? Seront-ils soumis à « leurs clés, leurs cartes et leurs codes » comme chantait (presque) Goldman, ou bien pourront-ils choisir leur vie ?
Et mes filles, mes deux lucioles ? Auront-elles le choix d'être mères ? De ne pas l'être ? De travailler ? De tout avoir ?
Et toi, qu'en dis-tu ? Tu as décidé de changer de vie en devenant mère ? Tu as réduit ton temps de travail ? Tu as déménagé ? Raconte !