Quand on a tout juste 20 ans, avoir un enfant, ce n'est pas la première chose qui vient à l'esprit. Surtout quand on est soi-même encore sur les bancs de l'école et Monsieur Papa sans travail fixe.
En effet, on s'imagine toutes comme, dans les contes de fées : « ils s'aiment, se marièrent et eurent beaucoup d'enfants ». Cependant, à cet âge, nous n'avons que les moyens de nous aimer. Le but est donc de trouver l'Homme Parfait, de construire doucement un nid douillet avec de quoi subvenir à tous nos besoins et seulement ensuite, de faire une colonie de bambins.
Dès l'adolescence, je me suis imaginée en Wonder Working Maman, capable d'avoir une carrière et une super famille. Mais mon plan de match s'est comme qui dirait enraillé.
Nous commençons notre vie à deux… En vivant à trois, en colocation avec un des amis de Monsieur. Un plan qui s'est révélé foireux. En fait, je ne le sais pas encore, mais c'est le premier d'une longue série.
À cette période, je prépare mon BTS en alternance. Quant à Monsieur Papa, il cumule divers emplois, intercalés avec de grandes périodes de chômage, après avoir perdu son emploi. Or le fameux colocataire considère certainement l'appartement comme une extension de chez ses parents, où tout était apparemment gratuit pour lui… L'accumulation de tout ça, ajouté à une mauvaise gestion de notre budget riquiqui, nous conduit inexorablement vers notre perte. Pour limiter les dégâts, en plus de mon alternance, je cumule un boulot le dimanche pour arrondir les fins de mois.
Jeunes et insouciants, nous affrontons les problèmes les uns après les autres, sans prendre à bras le corps la raison pour laquelle nous sommes arrivés à cumuler dettes et galères.
Mais nous ne pouvons pas nier que nous nous aimons, et à ce titre, nous faisons des plans sur la comète. Un beau jour d'avril, le colocataire parasite s'en va, les dettes restent. Mais c'est à ce moment-là que Dame Nature décide que nous ne resterons pas longtemps à vivre à 2 (à croire que la vie à 3 est faite pour nous !).
Comme toute future maman, me voilà submergée de questions. Mais a contrario de la plupart, ce n'est pas l'heure de me demander si je serais à hauteur. Ce qui m'inquiète, c'est seulement : comment allons-nous l'annoncer à la famille ?! Évidement, tous nos proches connaissent plus ou moins nos difficultés. D'un commun accord avec Monsieur Papa, nous décidons, dans un premier temps, d'attendre le cap des 3 mois avant d'annoncer quoi que ce soit.
Mais Dame Nature n'ayant pas décidé de se rétracter, il faut bien finir par l'annoncer. Comme mon anniversaire est tout proche, on choisit de l'annoncer à ce moment, en espérant que la pilule passera mieux entre deux sujets de conversations (comme un rayon de soleil entre deux orages).
Notre inquiétude se révèle justifiée : aucun débordement de joie, à peine des félicitations. Cette nouvelle est reléguée au rang des informations du style « j'ai pensé à acheté du pain » ou « j'ai fait le plein de la voiture », autant dire que ça passe à la trappe.
Heureusement, les jours et les mois défilent, et l'implication des proches se fait sentir un peu plus. Mais toujours pas d'effluves de bonheur. Au fur et à mesure, on se rend compte que Dame Nature dépose des petits bébés partout autour de nous, ce qui fait qu'on a parfois un peu le sentiment de ne pas exister.
Soudés, rien de nous empêche de préparer l'arrivée de notre bout de chou. Chambre, vêtements, accessoires de puériculture… Avant même de connaître son sexe, nous achetons déjà ses premiers vêtements dans des tons neutres, les premiers biberons, doudous, sets de toilette. Grâce à la prime à l'emploi que je perçois grâce à mes mois de labeur, on peut acheter le mobilier pour sa chambre. On choisit un lit évolutif, afin d'éviter de racheter un lit dans le futur.
Malgré l'apparent désintéressement de notre entourage, ils pensent parfois à faire un cadeau à ce bébé qui va arriver chambouler notre vie : un matelas, une parure, une baignoire, etc. Doucement, son petit nid douillet prend forme, à coups de promos. Notre budget alloué est de toute façon allégé par l'impossibilité de décorer la chambre (restriction par le propriétaire et obligation de garder les murs blancs, sans trou).
Le grand jour arrive très vite. J'accouche après 8 mois de grossesse un peu difficile. Ma belle-maman accompagne Monsieur Papa le matin de la naissance. Ma césarienne est programmée depuis la veille, car la grenouille est en siège. Malgré mes contractions répétées depuis presque 3 mois, le travail ne se lance pas.
Et là, la magie de la maternité opère ! Tout le monde aime notre grenouille, et dans chacun est heureux de voir que tout est prêt – même nous ! – pour accueillir ce petit être. En plus des éternels cadeaux de naissance, nous avons le droit à toute cette joie et à cet amour qui nous a cruellement manqué, 5 mois auparavant.
Notre Grenouille nait donc par un froid jour d'hiver. Une petite bouille d'amour de 2kg460 pour à peine 46cm. Notre amour pour elle est évident, et déjà nous serions prêts à donner notre vie pour elle.
Monsieur Papa doit aller acheter en urgence chercher un pyjama et un body en taille 0, car les échographistes nous disaient que bébé serait d'un poids tout à fait enviable… Du coup, dans la valise, il n'y a que du 1 et 3 mois (je voyais large), mais comme elle nait prématurément, nous sommes un peu pris de court.
Après coup de foudre à Notting Hill se joue coup de foudre à Nancy. Ma maman vient tous les jours me soutenir dans l'après-césarienne, m'accompagner pour mon allaitement, et amène de quoi occuper les journées parfois longues (il faut avouer que même si la redevance coûte de plus en plus cher, la programmation n'est pas fameuse !). Elle sait répondre enfin à toutes mes interrogations et se montre vraiment plus que présente.
Ma famille étant petite, les visites sont vite passées. Mais ma belle-famille est graaaande. Du coup, c'est un véritable défilé. Et les grands-parents et les tatas amènent du change taille 0 à la princesse née !
Ma sœur vient nous aider le jour de la sortie. Après toute une 1 semaine enfermée dans cette chambre, je pensais sortir la veille. Mais la pédiatre a remis la sortie au lendemain, car la grenouille ne pesait alors que 2kg270, or les bébés ont le droit de sortir seulement à partir de 2kg300… Autant dire que j'ai mal vécu cette nouvelle ! Ma sœur apprête à me ramasser à nouveau en miettes, si jamais la pédiatre me demande d'être à nouveau patiente.
Mais alléluia, la famille au grand complet peut cette fois rentrer à la maison ! Nous nous rendons chez ma belle-famille afin de prendre nos premiers repères hors maternité, et qu'ils puissent profiter plus en intimité de la petite qu'ils ont dû tant partager dans la minuscule chambre 147.
Une vraie happy end ? Sauf que le nuage noir au dessus de nos têtes ne s'est pas encore dissipé… Oui, mais ce bouleversement change tout dans nos vies : nous sommes désormais plus proches de nos familles. Et portés par l'amour que nous avons pour notre grenouille, nous apprenons à gérer notre argent.
En effet, pour nous il est vital qu'elle ne manque de rien. Nous décidons donc qu'à chaque début de mois, nous achèterons tout ce que nous aurons besoin pour prendre soin d'elle. Ainsi, nous remplissons le caddie d'eau, boîtes de lait, couches, lingettes. Et pour ne pas risquer de perdre le toit au-dessus de nos têtes, je me bats pour obtenir un appartement moins gourmand en énergie, avec un loyer qui ne plombe pas nos finances.
Pour faire un bilan, je ne conseillerais jamais à un jeune couple en détresse de faire un bébé pour tenter d'améliorer leur vie, qui est sans doute bien comme elle est. Mais il est certain que je ne conseillerai jamais à un jeune couple qui attend un bébé d'avorter… Un bébé ne signe pas la fin du monde, juste la fin du monde tel que nous l'avons connu ! Et tout ce qui arrive après, malgré les doutes, les peurs, les cris et les larmes… ce n'est que du bonheur !
Le temps passe, la grenouille grandit. Nous avons mûrit, et la passion de la famille est restée. L'argent, ça va, ça vient, mais il suffit d'assumer ses choix de vie et ses responsabilités pour continuer d'avancer.
Et toi ? Tu es tombée enceinte dans des moments de ta vie qui paraissaient les moins appropriés ? Est-ce que finalement, ça t'a aidé à surmonter tes problèmes ? Raconte !
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Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !