Je suis Mr Biologie et j'ai eu, avec Mme Biologie, l'immense joie de fabriquer de toute pièce, fait maison et tout, un petit gars, Quentin. Ce petit mec a bien tout chamboulé dans notre vie pépère. Ça fait maintenant 1 an qu'il s'est invité chez nous, et les choses ont changé comme jamais on aurait pu l'imaginer (surtout le sommeil, sur lequel nous avons définitivement tiré un trait, la bête se levant régulièrement entre 5h30 et 6h du matin… dur…).
Ce dont j'ai envie de te parler maintenant, c'est de la décision que nous avons pris concernant le congé parental. Fallait-il le prendre ? Qui le prendrait ? Comment serions nous indemnisés ? Beaucoup de questions trottaient dans nos têtes, et ce n'est qu'une fois au pied du mur que nous avons choisi. On fonctionne beaucoup comme ça, même si ça peut être parfois problématique.
Mise en situation : je suis prof (devine la matière… facile !), et le bonheur des mutations m'avait fait atterrir loiiiiiin de chez nous. Et où j'étais quand la bête a décidé de pointer sa petite truffe ? Au boulot évidemment ! Bon, l'important, c'est que je suis quand même arrivé à temps pour l'accouchement, mais après 4 longues heures de route, et les bouchons une fois sur Toulouse, parce que sinon c'est pas drôle.
Il y a des choses bizarres parfois dans la vie, et l'accouchement de Mme Biologie en fait partie. Tout s'est déroulé sans encombre, il n'y a pas eu de surprise malheureuse.
Ce que je veux dire, c'est que Madame a attendu toute la journée que sa nurserie daigne s'ouvrir assez largement pour laisser la crevette se faufiler hors de son repaire. Le commencement du début de l'anté-pré-pro-travail primaire avait commencé à 8h le matin. Je suis arrivé à 18h30. D'après toi, quand Madame a-t-elle perdu les eaux ? 30 minutes après mon arrivée ! C'est fou ça, c'est à croire que tout le monde m'avait sagement attendu ! Je te le dis, cette journée fut riche en émotion (mais ça, je te l'ai déjà raconté, et Mme Biologie aussi).
Bref. Contractions, douleurs, « Je veux ma périiiiiiii ! », péri, »Poussez Madame !! », « Gniiiiiiiiii !”, blop, et voilàààààà ! L'ornithorynque est sorti sans encombre.
Petit bond en avant. Ce qui est important, c'est ce qu'il s'est passé bien plus tard. Une fois que le têtard a commencé à développer ses petites patounes.
Crédits photo (creative commons) : Karen Sheets de Gracia
Le chat a donc grandit, seul avec sa mère chaque semaine où je travaillais, et ce pendant les 3 premiers mois de sa vie. Et c'était dur. Surtout pour maman, qui subissait les pleurs du soir, les coliques, les nuits entrecoupées… Moi, j'étais incapable de faire quoi que ce soit pour la soulager (Skype n'a pas encore inventé la téléportation…), et je ne voyais mon fils que le weekend. Je ne supportais pas de le voir changé (attention ce n'est pas changer, c'est bien changé, c'est un adjectif, pas un verbe à l'infinitif !) à chaque fois que je rentrais.
C'est pourquoi, quand le congé maternité a pris fin, nous avons décidé que j'allais prendre le congé parental. Pas de crèche, pas de nounou, je voulais être avec mon fils. C'est super me diras-tu… Dans l'ensemble oui, mais il y a eu une surprise.
Message du rectorat : « N'ayant pas pris votre congé parental à la suite de votre congé paternité, vous ne recevrez aucune indemnité ». Eh oui, c'est le gros inconvénient de prendre le congé paternité à la naissance, on ne peut pas l'enchaîner avec le congé parental… C'est la douche froide… Bon… Quoi faire ? Laisser tomber ? Je ne pouvais pas. Maman était épuisée, nous n'avions pas de place à la crèche, pas de nounou, et moi je désespérais de voir le chihuahua grandir sans moi. Rapide calcul de nos économies… Ouf ! On pouvait se permettre un seul salaire pendant quelques mois. La décision était prise, je m'arrêterais pour 3 mois.
L'avantage du congé parental, c'est qu'on peut reprendre le travail par simple demande à sa hiérarchie. Au revoir les collègues, à plus tard les élèves, je vous retrouve dans 3 mois. La courte aventure commence, je vais passer du temps avec mon fils. Enfin !!
Maman a donc repris le travail à la suite du congé maternité. Elle était contente, elle allait pouvoir un peu se changer les idées. Même si son bébé lui manquait, ça ne durait que quelques heures et elle rentrait à la maison pour retrouver ses bonshommes !
Pour ma part, les premières journées n'étaient pas très fofolles… Le chat se remettait d'une bonne gastro (papa aussi… youpidou !), donc il dormait pas mal. C'est ainsi que j'ai pu finir un de mes jeux vidéos favoris (Edward Kenway, les fans reconnaitront !), tout en m'occupant également de l'appartement. Un vrai petit homme au foyer. En plus, c'était une époque où il s'endormait encore sur nous. Du coup, je jouais à l'ordinateur tout en l'ayant sur moi et en le surveillant. Ça, c'était vraiment sympa !
« Super !!! » ; « Rhoooo ça c'est bien, ça change ! » ; « Bravo ! » ; « Mais financièrement, ça va aller ? »… Voilà les premières remarques que j'ai eu lorsque j'expliquais aux gens que j'étais en congé paternité. Oui, un bébé qui sourit à tout le monde, forcément, ça ouvre pas mal la discussion (spéciale dédicace aux mamies du supermarché ! Big up !). Un papa seul avec son p'tit renard, en train d'acheter de la lessive, des couches et du lait en poudre, ce n'est malheureusement pas commun, c'est là que je veux en venir…
J'ai beaucoup apprécié le fait qu'on me félicite et qu'on m'encourage. Je me suis senti soutenu, et j'étais fier de ce que je faisais. Oui, je sais m'occuper d'un bébé. Et mieux encore : j'adore ça, et je l'aime plus que tout ! Ce que je trouve dommage, c'est que les mentalités n'ont pas beaucoup évolué concernant la paternité. J'étais quand même un peu dépité de voir tous ces gens qui s'extasiaient pour moi, alors que si c'était Madame aux commandes, ça serait passé inaperçu.
Il y a cependant une remarque qui m'a tellement surpris que je n'ai rien pu répondre. Ce n'était pas quelque chose d' agressif ou irritant, ni même méchant… Mais je n'en dis pas plus et je te laisse juger par toi-même.
J'étais à la caisse en train de payer les courses. Le gremlin (le mignon hein, celui qui n'a pas mangé après minuit, quoi que…) s'est mis à râler, la poussette était de dos par rapport à la caisse. Oui parce que je ne te l'ai peut-être pas dit, mais le petit suricate a besoin d'être stimulé sans arrêt, c'est bien, c'est un bébé actif… Mais c'est franchement épuisant ! Et donc là, ben il ne voyait pas grand monde, et ça l'agaçait.
Donc la petite souris râle, et c'est là que j'entends une dame derrière moi dire, amusée : « Eh ben oui, il râle parce qu'il ne voit personne ! ». Je retourne la poussette : « Ha la la ! Ces papas, hein… ».
C'est dit avec le sourire, mais en gros ça veut dire aussi : « hihi, ils ne sont vraiment pas doués les papas pour s'occuper de leurs enfants, ils me font bien rire à être complètement paumés avec leurs bébés ». Ça faisait quand même juste 2 mois que je nourrissais, changeais, baignais, câlinais et couchais ce petit gars. Je n'ai pas apprécié. Mais que répondre ? C'était inutile de répondre à cette dame « Madame, votre époque où l'on décapitait les nobles est révolue, sachez qu'aujourd'hui, beaucoup d'hommes s'occupent très bien de leurs enfants et qu'ils vous em… », non, ce n'était vraiment pas la peine. Du coup, je suis juste sorti du magasin en souriant. C'est à peu près la seule fois que quelqu'un a émis un doute sur mes capacités à m'occuper de mon petit poney.
Au final, tout ce temps passé auprès de mon agneau m'a fait beaucoup de bien. J'ai passé de très bons moments, mais aussi des moins bons. Parce que oui, on a beau les aimer très fort, il arrive que des fois on s'ennuie un peu quand même. Voir un bébé passer une demi-heure à essayer d'attraper une balle, qui de toute façon est trop grosse pour sa petite main, mais que quand même, il pense qu'il va y arriver, c'est pas franchement super excitant comme expérience. En comparaison, c'est comme avoir en sujet d'oral de concours : « La mise en place du rameau feuillé végétatif » (véridique). On finit forcément par regarder l'heure un peu trop souvent…
Depuis ce temps, je connais chaque recoin du parc à côté de chez nous, j'y ai passé des heures en poussette ou avec l'écharpe. Ce qui est amusant ce sont les commerçants (boulangerie, pharmacie) qui ont craqué pour mon fils et qui le voit grandir. « Oh la la, je me rappelle encore quand vous veniez et qu'il était tout endormi dans l'écharpe. Il y rentre encore ? »
Après quelques mois passés avec ma famille, il a bien fallu retourner devant mes autres petits monstres (des vrais ceux-là, du genre à te retourner une séance en un clin d'oeil, ou plutôt en un jet de trousse, ou en un bruit de vache… au choix). J'ai avec joie retrouvé également leur accent si glamour, subtil mélange de Pascal Bosso et de Cortex (« Wesh M'sieur ? Les d'voirs c'est bien pour jeudji ? »… Oui, mais de toute façon tes devoirs, tu ne les feras pas…). J'étais alors partagé entre la joie de reprendre le travail et la tristesse d'être à nouveaux loin de ma famille. En attendant les vacances d'été, une copine nous a dépanné en gardant le louveteau les dernières semaines.
Bien sûr, comme tout prof qui veut rentrer chez lui, je n'ai pas manqué de demander ma mutation pour revenir dans l'académie de Toulouse. Il aura donc fallu attendre toute l'année scolaire pour savoir au mois de mai que j'étais muté dans mon académie à la rentrée scolaire 2014. Je rentrais chez moi ! Et j'allais pouvoir revivre avec ma famille.
Et nous y voilà. Aujourd'hui, nous sommes ensemble. Maman travaille encore beaucoup à la maison. Je prends donc souvent soin de notre petit scarabée. Tout n'est pas rose comme tout le monde le sait, car moi aussi j'ai beaucoup de travail à la maison, des copies à corriger (et bientôt des cahier aussi… pourquoi je fais ça ?), des cours à améliorer, des TP (Travaux Pratiques) à préparer, etc. Alors quand j'ai du temps libre, soit je dors (ouiiiii une sieeeste !!!), soit je bosse (ouais, le travail à la maison, c'est bof…), soit je fais du sport (pour oublier).
Pour conclure, comme dirait mon fils : “AaaaAAAAaaahhhhrggueuuuuuuu caïïïï tatata”, ce qui résume parfaitement la situation. Et plus sérieusement, je dirais que je suis fier d'avoir été et d'être un papa poule, avec les bons côtés (je le vois grandir, je le vois progresser, on joue beaucoup ensemble) et les mauvais côtés (il arrive que je m'ennuie, c'est fatiguant, stressant). J'aime me promener seul avec lui quand il n'y a pas Maman pour nous accompagner. On est tous les deux, entre hommes, on va chercher le pain tous les matins, on va faire des petites courses régulièrement. J'espère que ça ne changera jamais !
Et si c'était à refaire ? Je plongerai à fond dedans (pas dans la Garonne hein), car la vie est bien faite : on oublie tous les mauvais côtés, car au final, ce ne sont pas eux qui sont importants. Ce qui est important et que l'on retient, ce sont tous les bons moments que l'on passe avec nos enfants, aussi énergiques soient-ils (crois moi, le nôtre n'est pas un calme, il ne s'arrête jamais !) et tous les bons moments que l'on passera plus tard. Et je sais qu'ils seront nombreux.
Et chez toi ? L'un de vous a dû prendre un congé parental ? Comment le choix s'est-il fait ? Quel souvenirs gardes-tu de cette expérience ? Raconte !
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Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !