Après notre mariage, M. Qu’onPerd et moi avons décidé d’avoir un enfant. J’avais choisi de ne rien essayer avant que nous soyons mariés, car les conditions que je m’étais fixées n’étaient pas remplies. Mais là, il était temps.
En octobre 2013, je termine ma dernière plaquette de pilule, et nous voilà lancés dans cette grande aventure.
Après de nombreux cycles irréguliers, l’interminable attente des règles, des tas de tests urinaires négatifs et des dérèglements de la thyroïde, je tombe finalement enceinte en août 2014, pour notre anniversaire de mariage. C’est une joie, un bonheur en plus. Nous considérons ça comme un cadeau d’anniversaire de mariage à déballer plus tard…
Mais en septembre, c’est le drame : c’est un œuf clair… Il s’agit bien d’une grossesse, mais elle n’a donné aucun embryon.
Crédits photo (creative commons) : Nastya Birdy
Alors oui, tu as tous les symptômes d’une grossesse : poitrine sensible, nausées, sautes d’humeur, mais il n’y a pas de bébé… Sauf dans ton esprit, bien sûr ! Car dès que tu as vu le petit + sur le test de grossesse, tu as imaginé ce futur enfant, et tous les changements que ta vie allait subir. Et puis non… Il n’y aura rien de tout ça.
Tu subis alors un curetage, car, heureusement, ton médecin te laisse le choix entre les médicaments (et donc la possibilité de faire une fausse-couche à la maison) ou l’opération. Que tu choisis pour éviter de souffrir et surtout, d’attendre. C’est prévu le lendemain : chouette, ça ira vite, et dans dix jours, retour au boulot.
Et puis quelques mois plus tard, quand d’après le gynécologue tout va bien, tu peux recommencer les essais. Le désir de grossesse devient une obsession.
Malgré des séances régulières chez une psychologue, tu ne vois pas comment tu peux t’en sortir. Tu repenses à cette perte que tu as subie, tu te sens seule dans ton corps, il te manque quelque chose, et la dépression fait son apparition.
Tu ne supportes pas ce mot, « dépression », car pour toi, c’est un état dont on ne sort pas indemne. Tu vois ça comme quelque chose d’irrémédiable.
Ton médecin traitant te met en incapacité de travail pour un mois. Ça te semble une éternité, mais tu n’as pas le choix, car tu ne peux pas travailler dans cet état. Imagine : tu es prof et tu dois affronter vingt ados, alors que tu es sur le point de pleurer à tout instant…
Tu vois donc ta psy une fois par semaine. Parfois, tu ne sais pas quoi lui dire, parfois, tu ne parviens pas à t’arrêter de parler, et chaque fois, tu pleures toutes les larmes de ton corps…
Quand tu es chez toi, tu n’as le cœur à rien faire, tu ne fais que t’évader dans des livres ou dans des films… Tu te sens profondément mal dans ta peau, dans ton corps, dans ton cœur, et tu as l’impression de ne pas voir le bout du tunnel.
Mais malgré tout, tu retentes ta chance, tu essaies de retomber enceinte. Et ça marche !
À partir de ce moment, tu entrevois de l’espoir, mais tu es dévorée par l’angoisse, la peur. Et si ça se reproduisait ? Et si tu n’étais pas vraiment enceinte ? Et si ça ne marchait pas ?
Tu fais une prise de sang, tu prends rendez-vous pour la première échographie… Et pendant deux mois, tu attends, sans trop penser à ce petit être qui se développe en toi, à ton avenir qui va être bouleversé, de peur d’être à nouveau déçue. Mais c’est inévitable : tu fais des pronostics et tu imagines ta vie, tu fais attention à ce que tu manges, car tout dans ton corps te dit que tu es enceinte et qu’un petit être est présent…
Et puis, c’est enfin l’heure de l’échographie. Malgré une heure de stress dans la salle d’attente, tu te dis que tout va bien aller, pour te rassurer. Et puis, sur la table d’auscultation, le verdict tombe : l’embryon, présent cette fois, ne s’est pas développé… Tu te dis : « C’est un cauchemar, je vais me réveiller ?? » Et tu ne te réveilles pas…
C’est à nouveau l’horreur, mais comme tu es dans le déni, tu fais comme si ce n’était rien. Tu demandes quand aura lieu le prochain curetage. Tu ne pleures pas, tu es sous le choc, mais comme c’est une belle journée, tu en profites pour bronzer…
Ton mari, lui, est presque catatonique. Il est sous le choc, mais tu ne peux pas l’aider, tu ne peux que t’occuper de toi. Ou plutôt faire l’autruche, pour réussir à affronter ça.
Et ça dure une semaine, jusqu’à ce que l’opération soit passée, et que tu te dises qu’enfin, c’est derrière toi.
Pendant les semaines qui suivent, les seuls moments où tu réalises et où tu t’autorises à vivre cette seconde perte, c’est dans le cabinet de ta psy. Il n’y a que là que tu craques, car personne d’autre autour de toi ne comprend ce que tu ressens : tu te sens seule, puisque l’être en toi n’est plus là.
Tu n’es pas seulement triste, incomprise, en colère, tu es surtout seule (dans ton propre corps). C’est impossible pour les autres de le comprendre sans l’avoir vécu, et toi, tu ne sais pas comment l’expliquer… Alors tu te renfermes sur toi-même, tu replonges dans l’univers de tes romans ou de tes films, et tu as l’impression de sombrer…
Aujourd’hui, je vais mieux. Même si je n’ai pas pu reprendre le travail. J’ai dû être opérée une troisième fois, mais je me sens mieux. J’ai enfin l’impression que cette seconde fausse-couche est derrière moi.
J’ai retrouvé l’espoir d’être maman un jour, mais j’ai choisi de ne pas me presser et d’essayer de ne pas y penser. Je continue ma thérapie, c’est indispensable pour moi, d’autant plus que ça me permet de grandir, de mieux me connaître.
Malgré l’horreur que j’ai traversée, je sais aujourd’hui que tout ça m’a rendue plus forte encore, plus capable d’affronter mes sentiments, de les vivre et de les transformer en quelque chose de positif. Je me sens aujourd’hui déjà mère, et je sais que tout ira bien quand viendra mon tour…
Et toi ? Tu as vécu une telle épreuve ? Comment l’as-tu surmontée ? Viens en parler…
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Toi aussi, tu veux témoigner ? C’est par ici !