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A la une / Témoignage

Ma fille est handicapée : une grossesse particulière

Je t'ai déjà raconté comment nous étions arrivés, mon Mari et moi, à s'aimer toujours aussi fort et à faire en sorte que notre couple s'entende bien, malgré nos 3 enfants en 7 ans. Il y a un épisode que j'ai brièvement évoqué : la naissance de notre fille. Ça a tout changé dans notre vie.

Nous avons été parents deux fois un peu coup sur coup, mon premier et mon deuxième ayant 13 mois de différence. (Oui, c'est sport, mais oui, mille fois, si c'était à refaire, je le referais !) L'évocation d'un troisième était assez hypothétique : notre deuxième a été un véritable tsunami dans notre vie.

Et puis, ainsi que je te l'ai expliqué, nous nous sommes séparés pour quelques temps… Et dans la rue, j'ai entendu le cri d'un nouveau-né. Il m'a transpercé le cœur, j'ai reçu un coup à l'estomac : le désir d'un nouvel enfant est réapparu. Comme une évidence. Nous avons fait notre troisième alors que nous étions séparés. Étrange, je le sais… Je ne pourrais même pas me l'expliquer. Peut-être parce que le couple parental existait toujours, et que quoiqu'il arrivait entre nous, il restait un papa formidable pour ses deux garçons.

Nous sommes revenus ensemble après beaucoup de discussions, de compromis, et tout se passait à merveille.

Tout ? Si seulement…

Comme pour mes deux précédentes grossesses, j'ai perdu du sang assez rapidement. J'ai ce que le jargon médical appelle « une malformation utérine » : un utérus bicorne. Je n'ai jamais fait d'examens très approfondis, ayant eu mes deux premiers sans difficultés. La seule condition était que je me repose un maximum pendant ma , pour éviter d'être en menace d'accouchement prématuré.

Ppendant mes grossesses, cette malformation utérine provoquait des contractions assez récurrentes, sans incidence sur le col, et des hématomes rétroplacentaires (qui, même s'ils ont été à l'origine d'une fausse-couche, n'ont pas eu de graves incidences sur mes trois enfants). Et j'ai accouché par césarienne de mon deuxième (mais plus par malchance qu'à cause de mon utérus).

Mais la grossesse de ma fille ne s'est pas tout à fait déroulée comme celles de ses frères.

photo de grossesse noir et blanc

Crédits photo (creative commons) : J.K. Califf

J'ai donc perdu du sang, tour aux urgences, mise au repos avec arrêt de travail (à 4 semaines de grossesse…). Et j'ai commencé à avoir des nausées. Beaucoup. Suivies de vomissements. Beaucoup, aussi. Plus tard, j'ai appris que je souffrais d'hyperémésis gravidarium, comme ça a déjà été abordé sur ce blog. Sauf que mon médecin n'a jamais prononcé ce mot. Je ne pouvais plus RIEN avaler. Au début, je ne m'inquiétais pas trop. Et puis passé les 12 premières semaines, j'en ai parlé à mon médecin qui s'est affolé en voyant les 5 kilos que j'avais perdu. J'ai pu boire des boissons hyperprotéinées, et c'est tout ce que j'ai supporté pendant 5 mois.

Je continuais à perdre du sang. Pas beaucoup, mais toujours un peu. Mais aucune incidence sur le col : même le gynéco n'a pas fait grand chose à part me dire de me « reposer ». Facile à dire, moins facile à faire, mais je me ménageais quand même.

Et puis, ce qui m'inquiétais le plus, en fait, c'est que je ne sentais pas vraiment mon bébé bouger.

On dit souvent que plus on a de grossesses, plus on sent bébé tôt. Mon premier, son premier coup a été senti par moi et par le papa à 4 mois de grossesse. Mon deuxième… je l'ai senti avant la première échographie, sans savoir que c'était lui (je croyais avoir des gaz, mais non, il me donnait des coups en fait). Ma troisième RIEN avant 5 mois… Même aux échos, bébé était très tranquille. Le gynéco me rassurait en me disant que c'était un bébé calme, mais aussi que le placenta recouvrait la paroi utérine sur le devant du ventre. Mais quand même. Quand je l'appelais, plus ou moins doucement, je n'avais aucune réaction, alors que mon deuxième allait et venait dans mon bidou au même « âge ».

Je crois sans y croire au sixième sens. Étant moi-même hyper empathique, je « jauge » les situations assez facilement et sans grandes erreurs. Je « sentais » qu'un truc clochait avec mon bébé. Mais comme les médecins ne faisaient rien, j'ai décidé de faire taire cette petite voix.
De toute façon, avec le recul, qu'auraient pu faire les médecins, qu'ils n'aient déjà fait ?

J'ai su assez tard que Bébé était une fille : lors des échos, elle n'était pas très conciliante. Mais le savoir m'a encore plus angoissée : je ne voulais pas spécialement avoir un garçon, plus qu'une fille, mais je ne savais pas du tout comment faire avec une petite nénette.

Et surtout, elle a pris vie dans mon esprit. J'ai vite trouvé son prénom, j'ai commencé à l'imaginer, à rêver d'une petite blondinette aux yeux bleus, à la peau toute rose, comme moi… Comme dernier enfant, j'allais avoir une petite princesse (oui, je suis à fond dans les stéréotypes, j'assume)… Et j'ai pris peur pour elle, du coup. Elle m'était devenue plus précieuse que ma propre vie.

Arrive le dernier trimestre. 6 mois de nausées, de contractions, de saignements sans incidences. Un ventre bien bien en avant, comme son frère. Un bébé qui réagit un peu plus à mes stimulations (mais j'avais remarqué qu'elle réagissait peu au stimuli de ma voix, quand je chantais ou criais, tandis qu'elle kiffait mes caresses et mes petits jeux de doigts)

La dernière échographie, à 31 semaines. Tout s'écroule.

Je n'avais pas fait le tri test, comme mes deux premiers. Tout simplement parce que c'est un test qui se base juste des probabilités. Qu'on peut avoir une super proba, et avoir un enfant trisomique quand même (c'est arrivé dans mon entourage virtuel). Qu'on peut avoir une proba au ras des pâquerettes et un bébé en parfaite santé. Pour moi, c'est un test qui ne s'avérait pas utile : je n'étais pas dans une tranche à risque (moins de 30 ans, aucune trisomie dans ma famille comme dans celle de mon mari), et nous étions prêts à accueillir un enfant trisomique si tel était le cas, le risque étant carrément microscopique. C'est un choix. je n'encourage bien sûr pas du tout, chacun a sa propre sensibilité là-dessus, mais c'était le nôtre.

Arrivée à cette échographie, j'étais avec mon papa, mon mari n'avait pu se libérer. Ma nouvelle gynécologue était parfaite (j'ai changé en cours de route, le courant ne passant pas du tout avec l'autre) : on a plaisanté, elle me parlait et surtout elle m'écoutait. Puis elle a posé la sonde sur mon bidon. Elle a fait ses mesures. Mais je voyais bien qu'elle cherchait quelque chose. L'échographie a duré plus longtemps que ce qu'une échographie doit durer…

Au bout d'un long silence, très long silence, je lui ai demandé ce qu'il se passait.

« Votre fille a un problème de reflux dans les reins. Sa tête n'a pas une forme « normale ». je sais que vous n'avez pas fait le tri test, mais je voudrais écarter la trisomie de mon diagnostic. Si vous le désirez, on peut prendre rendez-vous pour une amniocentèse. Rapidement. »

Elle m'a expliqué que ce reflux était rare, mais pouvait arriver sans aucun autre problème.

Seulement, j'étais enceinte de presque 7 mois. Je voulais savoir quel genre de bébé j'allais accueillir. (Je passe sous silence le magnifique « mais tu vas pas la garder si c'est une triso » de la part de mon papa, qui était plus maladroit que méchant, il s'est énormément inquiété.)

Rendez-vous est pris pour le mardi 24 janvier 2012. Une sacrée date…

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