Un titre pareil, ça fait un peu pompeux, j’en conviens. Mais je le vis tout à fait comme ça.
Je t’avais laissée sur une note d’espoir, concernant ma fille. Elle va très, très bien. Elle communique à sa manière (avec des images) de plus en plus. Nous avons déménagé dans notre maison à nous, à dix minutes du CAMSP. J’ai été mutée, j’occupe un temps plein et nous vivons dans (les cartons de) notre maison.
Cette fois-ci, il ne sera pas question de ma fille… Mais de moi.
Je suis prête à te parler de mon choix de contraception définitive. Je VEUX t’en parler, parce que c’est encore tabou dans notre société, et que je me suis battue pour pouvoir le faire respecter. J’écris ces lignes en tremblotant (c’est pour dire !), parce qu’on ne sait jamais quelles réactions on peut provoquer avec ce genre d’article. Mais j’assume.
Avec l’arrivée de ma fille, malgré toutes les difficultés qu’on rencontre avec elle, j’étais comblée. J’avais trois enfants, tous aussi beaux les uns que les autres. J’étais heureuse.
Crédits photo (creative commons) : Will Fisher
Pendant la grossesse, déjà, je m’étais renseignée sur les différents types de contraceptions auxquelles je pouvais prétendre.
- Le préservatif. C’est marrant au début, mais on s’en lasse…
- La pilule, qui m’a déjà fait défaut une fois. Elles ne sont pas toutes pareilles, mais je n’avais plus confiance. En plus, je suis carrément nulle pour prendre la pilule, et pourtant, j’ai essayé, vraiment ! J’avais quatre ou cinq alarmes sur mon téléphone, mais j’arrivais à l’oublier quand même. Enfin, chez moi, la pilule a des effets secondaires rédhibitoires : notamment une absence TOTALE de libido.
- Le stérilet était mon option numéro 1. Mais avec ma malformation, ce n’était pas possible : il serait rejeté à la première occasion.
- L’implant. Idée révolutionnaire ! Plus d’oubli possible ! Mon gynéco m’a proposé de prendre la pilule qui s’en rapprochait le plus pendant six mois, pour voir si je supporterais l’implant. Et bingo : je ne la supportais pas du tout, du tout. J’ai même fait un épisode de déprime/dépression. Sans compter une libido juste inexistante.
Plus l’anneau que j’avais du mal à mettre, les patchs qui m’ont donné une allergie… J’ai essayé beaucoup, beaucoup de choses. Rien ne m’a jamais convenu.
Et l’idée d’un quatrième bébé qui se pointerait l’air de rien me filait une frousse juste monumentale. Je ne VOULAIS PAS d’un enfant surprise. Je ne voulais plus d’enfant, tout court.
J’avais fait un troisième enfant en sachant ce que ça allait impliquer (changement d’appartement, congé parental, etc.). J’avais déjà sacrifié tellement de choses avec l’arrivée de ma Chouquette ! J’avais déjà eu trois enfants presque en claquant des doigts, je n’avais pas envie que ça recommence.
Alors j’ai continué de chercher un moyen de contraception. En fait, j’en avais trouvé un. Mais il était radical : la contraception définitive. À 27 ans, après la naissance de ma fille, je me trouvais trop jeune pour y avoir recours. On ne sait jamais, après tout. Seulement, cette idée est devenue de plus en plus présente.
J’étais sûre de ne pas vouloir d’autres enfants, avec mon mari, ou même avec un autre homme. Mon mari n’en voulait plus non plus. J’ai commencé à en parler à mon médecin (ce si gentil médecin qui me proposait d’arrêter de m’empoisonner et de « rattraper » ma fille, tu te souviens ?), qui m’a fait les gros yeux et m’a sermonnée comme une enfant de 3 ans qui faisait un caprice.
Alors j’ai attendu, et je me suis sentie dépossédée de moi-même pendant trois longues années. Mais pendant ces trois ans, mon choix a mûri. J’ai tellement fait souffrir mon homme que j’aime plus que tout ! J’avais tellement peur de tomber enceinte que je ne voulais même plus qu’il me touche.
J’ai d’abord pensé que ce que je voulais, ou plutôt ce dont je ne voulais plus, n’était pas normal. Et que je faisais une histoire pour pas grand-chose. Après tout, trois ou quatre enfants, on dit souvent que ça ne change pas radicalement la vie… Mais pour moi, ça aurait signifié renoncer à trop de choses.
Ça aurait signifié avoir une troisième césarienne, ce qui est loin d’être anodin. Changer de voiture. Renoncer à déménager dans la ville où ma fille a ses séances hebdomadaires, parce que trouver là-bas une maison avec cinq chambres avec nos moyens relève du fantasme. Arrêter de travailler pour encore au moins deux ans, alors que je viens enfin de recommencer (et ça me manquait tellement !). Oublier aussi les gardes de dernière minute par les grands-parents : j’ai déjà des scrupules à laisser mes trois enfants, parce que c’est beaucoup de travail, alors quatre…
Mais je m’égare en essayant de me justifier. J’ai déjà passé tellement de temps à me justifier, et je continue ici !
Le jugement est ce qui m’effrayait le plus, et me rendait folle de rage. J’ai fait tous les gynécos de mon département, et pas un n’a essayé de m’écouter. De comprendre mon choix. J’ai entendu toutes sortes de choses.
« Vous allez le regretter ! »
C’est mal me connaître. Mes choix, bons ou mauvais, je les ai toujours assumés. Dans ma philosophie de vie, un choix n’est jamais foncièrement mauvais, car il amène souvent des événements inattendus et très souvent positifs (en tout cas, jusque là, j’ai toujours trouvé du positif dans chacun de mes choix). Une fois mon choix fait, je passe à autre chose. Les regrets ne servent à rien, les « et si » non plus.
« Vous êtes trop jeune ! »
Oui, c’est vrai, je suis jeune. Justement, je suis jeune. J’ai d’autres projets que celui d’être maman. Je veux reprendre mes études, tant que je suis jeune. Déjà, avec trois, ça va être sportif, alors avec quatre… je ne vois pas comment je pourrais y arriver.
Et si à 35/40 ans, j’ai envie du « petit dernier », comme ça a été le cas pour ma mère, ma grand-mère, la mère de mon mari, la grand-mère de mon mari, ma collègue, ma voisine, qui sais-je ?
J’ai justement l’exemple sous les yeux : c’est super d’avoir une petite sœur qui pourrait être ma fille, et je l’aime d’une force incroyable, mais je vois aussi mes parents plus tout jeunes essayer d’éduquer une ado pas forcément facile. Ma mère est ravie d’avoir été maman une dernière fois, mais elle le dit elle-même : c’est beaucoup plus dur à 39 qu’à 29 ans. Je veux être tata, marraine, avoir les bons cotés sans avoir la responsabilité.
J’aimerais, à 40 ans, faire des grasses matinées. Mon aîné aura presque 18 ans. Il sera autonome et indépendant de sa môman. Ce sera une relation toute autre. Remettre le couvert avec un nouveau bébé ? Je ne vois pas l’intérêt pour moi.
« Vous ne voulez pas une vraie fille ? »
C’est celui qui m’a fait le plus mal, parce qu’il touche à ma fille : je ne reviendrai pas dessus. C’est juste ignoble d’insinuer qu’on peut « remplacer » un de nos enfants.
(Il y a aussi : « Et si un de vos enfants meure ? », qui est du même acabit. Pour l’avoir déjà presque vécu avec ma fille, je sais que je ne voudrais pas d’autres enfants.)
« Et si un jour, c’est fini avec votre mari et que vous rencontrez un autre homme ? »
Il y a d’autres choses à faire pour se sentir un vrai couple, il n’est pas obligatoire d’avoir un enfant.
Ces jugements m’ont malgré tout permis de réfléchir, même si les questions m’ont heurtée. Mais j’étais toujours malheureuse, et j’avais toujours peur. Heureusement que mon mari est d’une patience extrême ! Je ne sais pas si beaucoup de couples auraient résisté à un tel désert sentimental.
Et puis, étant une « maman connectée », j’ai vu passer un jour un hashtag sur Twitter. Provenant de femmes qui subissaient comme moi le jugement des médecins. J’ai décidé de jeter une bouteille dans la twittosphère. Une fille m’a répondu, et donné les coordonnées d’un planning familial.
J’ai mis une journée à appeler (je déteste le téléphone). Et j’ai pleuré littéralement au téléphone. La secrétaire était aimable : elle ne m’a pas demandé pourquoi je voulais faire ce geste-là, ne m’a pas sermonnée. Elle a pris mon nom, mon numéro de téléphone et m’a donné un rendez-vous trois semaines plus tard.
Trois semaines, une heure et demi de train et une heure de métro plus tard, j’arrivais au centre. Je le connaissais déjà de réputation, et c’était là que mon mari était né (ma vie est une suite de coïncidences).
Le gynécologue s’est montré humain. Il m’a parlé de la contraception définitive, de la méthode utilisée (l’implant Essure), m’a expliqué tout le déroulé de l’intervention, les suites… Il m’a interrogée sur mon passé obstétrical et gynécologique. ET C’EST TOUT.
À la fin, je lui ai quand même posé la question : « Mais vous ne me demandez pas pourquoi je veux le faire ? » Et il m’a répondu par cette phrase qui est restée gravée en moi depuis : « Mais Madame, c’est votre corps ! C’est votre choix ! Je n’ai pas à dire si c’est bien ou pas bien ! Et en tant qu’homme, j’ai encore moins le droit de vous dire quoi faire avec votre corps ! »
Le processus de stérilisation a des règles très précises :
- On garde notre moyen de contraception habituel (le médecin m’a prescrit la pilule la plus fortement dosée).
- On a rendez-vous avec une psychologue qui valide ou non notre choix. Je suis restée deux heures et demi avec elle, elle m’a posé énormément de questions, mais sans aucun jugement. Elle a validé mon choix.
- On a quatre mois de réflexion, et on peut arrêter à tout moment.
Pour la méthode des implants Essure, l’hospitalisation se fait sur la journée. On est mise en position gynéco, et on peut suivre en direct l’intervention via une caméra et une télé. (J’ai vu mon utérus en direct ! C’est impressionnant.)
Les suites sont très simples : on est en salle de réveil, et on part quand on se sent de partir.
J’ai vraiment pu réfléchir avant, et ensuite, je me suis sentie en accord avec mon choix très vite. Je m’explique : entre vouloir le faire et l’avoir fait, il y a une inéluctabilité qui peut faire flipper. Et surtout, manque de bol (ou pas), une maman avait eu une césarienne juste avant moi, et elle était à côté avec son bébé.
Bizarrement (ou pas), ça ne m’a pas gênée. Je me suis dit : « Tu vois Sophie, tu ne connaîtras plus jamais ça. Tu peux maintenant faire le deuil de ta grossesse et de ton accouchement rêvés et PASSER À AUTRE CHOSE. » Puis j’ai pensé : « Enfin ! Plus de nuits pourries, plus de dents qui sortent, plus de caprices, plus de gros ventre, plus d’accouchement… Enfin, enfin, enfin, je vais pouvoir sauter sur mon chéri sans avoir peur !! »
J’ai gardé la pilule encore trois mois. J’ai fait un contrôle radiologique et j’ai eu mon dernier rendez-vous avec ce formidable gynéco. Toute la matinée, j’avais le sourire aux lèvres, je trépignais de savoir si oui ou non les implants étaient bien en place… Et quand il m’a dit : « C’est bon ! », j’ai pleuré de joie. Libérée, délivrée, les étoiles me tendent les braaaaas !! (Désolée, c’est un peu ce que j’ai ressenti…)
C’était il y a quelques mois. Je n’ai jamais été aussi épanouie de ma vie. J’ai retrouvé ma libido, j’ai retrouvé mon chéri, et je peux enfin faire autre chose de ma vie que de penser à l’arrivée catastrophique d’un quatrième enfant. D’autres bébés sont nés dans la famille, d’autres vont arriver dans ma sphère amicale, et je suis ravie pour leurs parents. Je prends ces bébés dans mes bras avec beaucoup de bonheur, mais ça s’arrête là.
Est-ce que je regrette ? Il est trop tôt pour le dire. Mais comme je l’ai dit auparavant, mes choix, bons ou mauvais, m’ont toujours emmenée sur des chemins surprenants.
Je voulais t’en faire part, pour que d’autres femmes (je sais que je ne suis pas la seule) puissent avoir confiance en elles. Avec le désert affectif que j’ai fait subir à mon couple, et les jugements des gens sur ce qui est bon de faire ou pas, j’ai vécu trois années très, très difficiles. Elles m’ont néanmoins appris à ne plus juger moi-même la personne en face de moi. Parce que personne ne peut décider pour toi.
Et toi ? As-tu réussi à trouver un moyen de contraception qui te convienne ? Est-ce que la contraception définitive est une option que tu envisages ? Quelles réactions as-tu pu observer en abordant le sujet ? Viens en discuter avec nous !
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Toi aussi, tu veux témoigner ? C’est par ici !