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Quitter son chez-soi… pour mieux se confiner

D’emblée, je te présente mes excuses parce que cette chronique n’est pas hyper positive et je suis désolée parce que ce n’est probablement pas ce dont on a le plus besoin en période de confinement. Mais voilà, c’est le reflet de mon humeur du moment. Ce serait mentir que de dire que j’ai tout vécu super bien et on n’est pas là pour se mentir. Pourtant, je suis consciente que je suis chanceuse, que nous sommes chanceux comparés à bien d’autres. Alors prends-le juste pour ce que c’est : un témoignage à un instant T. 

Je sais aussi qu’il y a des polémiques, en ces temps troublés, sur « l’exode urbain » provoqué par l’annonce du confinement pour cause de COVID-19. Parce qu’effectivement, certaines communes se retrouvent, en plein mois de mars, envahies par leurs habituels occupants estivaux alors qu’elles ne disposent actuellement que des quelques commerces alimentaires nécessaires pour satisfaire la demande d’une population de basse saison. Je sais combien cela doit être difficile à accepter pour les « autochtones » (termes absolument pas péjoratif dans ma bouche sous mes doigts). Je sais aussi combien il paraît impensable à ceux qui ne disposent d’aucun espace extérieur dans leur logement urbain d’y rester enfermés quand ils ont la possibilité d’aller loger quelques temps dans leur maison de campagne. 

Quoiqu’il en soit, nous sommes dans une situation un peu différente. En effet, nous sommes partis nous confiner dans un petit village dont ma belle-famille est originaire, où elle a des attaches depuis… ben on sait pas en fait tellement ça fait longtemps… plusieurs générations en tous cas. Et ce petit village n’est pas touristique du tout. Donc à la limite j’ai même envie de dire qu’on participe à une meilleure répartition des humains par rapport aux ressources sur le territoire. Ceci dit, nos intentions initiales étaient beaucoup plus égoïstes que ça et voici comment nous en sommes arrivés là.

Crédit photo : photo personnelle

La montée de la menace

Je ne suis pas une grosse angoissée de nature. Quand le COVID-19 a commencé à faire parler de lui, je ne me suis pas inquiétée du tout outre mesure. Nous avons déjà des mesures d’hygiène et de bon sens relativement bien établies à la maison (je t’ai dit que Mamour est un chouïa maniaque ?) donc pas la peine de se prendre la tête. 

Tout ça me paraît tellement loin (alors qu’à l’heure où j’écris nous ne sommes confinés que depuis 11 jours) que j’ai du mal à me souvenir de la chronologie. Mais en gros, j’ai commencé à flipper non pas à l’annonce de la fermeture des établissements scolaires (c’était surtout pénible à mes yeux quoique justifié), mais quand j’ai vu l’accélération des mesures dans les heures qui ont suivi. 

La piscine de Bibou m’a d’abord dit qu’elle assurait les cours, puis, deux heures plus tard, qu’elle annulait les cours mais restait ouverte, et le lendemain elle était totalement fermée. Mon travail, qui est un établissement recevant du public a d’abord reçu l’instruction de rester ouvert, puis, deux heures plus tard, de fermer, ce qui ne nous empêchait pas de devoir aller travailler. Alors quand le samedi soir les commerces non indispensables ont été fermés aussi, j’ai pigé que le confinement était très très proche. 

Et c’est là que j’ai flippé. Vraiment. Non pas pour le virus. Contre le virus, on fait ce qu’il faut, on engage ceux qu’on aime à faire de même, on espère qu’il ne passera pas par nous et, s’il passe quand même, on espère fort fort fort que ce ne sera pas grave. C’est tout. Ça c’est mon côté flegmaticopragmatique. Mais ce qui m’a fait flipper, c’est l’idée du confinement. Alors là, j’ai réagi. On était en week-end, je ne recevais aucune instruction de mon travail. Je me doutais qu’on allait être mis en télétravail, mais, en l’absence de contrordre, j’étais obligée d’aller bosser le lundi. Donc, le lundi venu, j’y suis allée tout en partant du principe que dès que j’aurai la possibilité, je rentrerai à la maison, on préparera les bagages et hop ! en voiture Simone ! direction la campagne !

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Oui, parce que nous vivons en ville par la force des choses, mais Mamour et moi sommes des campagnards de nature. Nous avons été élevés à la campagne, y avons vécu jusqu’à l’âge adulte et nous souhaitons nous y réinstaller dès que nous pourrons. Nous aimons notre ville mais nous détestons la pollution, l’ambiance sonore et le manque d’espace (liste non exhaustive). Et puis Mamour et moi avons engendré deux adorables enfants qui ne sont vraiment pas faciles à canaliser au quotidien (sans blague, même leurs avocats grands-parents disent qu’ils sont coton !). Alors l’idée d’être enfermée avec eux H24, ça me brisait le cœur autant que ça me faisait peur.

Le départ

Donc en ce lundi 16 mars je suis entrée dans une espèce de transe. J’avais une super méga crainte : que je ne sois pas autorisée assez tôt par mon employeur à rester chez moi pour qu’on puisse partir à la campagne. Je suis donc allée au travail beaucoup plus tôt qu’à l’ordinaire, laissant Mamour gérer les mioches. J’ai d’emblée commencé à récupérer les fichiers sur lesquels j’étais susceptibles de pouvoir travailler à distance et à donner des instructions dans ce sens aux agents sous mes ordres. On n’avait pourtant toujours aucune directive officielle et beaucoup de mes collègues étaient encore dans le déni, à parler de leurs rendez-vous de la fin de semaine. Ça me faisait encore plus flipper. 

Fort heureusement, en milieu de matinée j’ai été convoquée en réunion de crise et on nous a enfin annoncé la fermeture totale du bâtiment et le départ de tout le monde en télétravail. J’ai alors passé le reste de la matinée à courir dans tous les sens pour tout organiser. Je courais dans tous les sens parce que j’avais toujours en tête de rentrer chez moi le plus tôt possible pour prendre la route avant qu’Emmanuel Macron ne prenne la parole (car on avait appris entre-temps qu’il parlerait à 20 h). Il était évident qu’il annoncerait le confinement et j’avais une peur irraisonnée que les mesures soient d’application stricte et immédiate.

En début d’après-midi, j’ai salué mes collègues, la lèvre tremblante et des trémolos dans la voix (non j’exagère, mais c’était quand même super bizarre de ne pas savoir quand on allait se revoir !) Je suis rentrée chez moi chargée comme une mule (oui car j’étais persuadée qu’on partait pour longtemps donc je m’étais prévu beaucoup de travail). J’ai passé l’après-midi à faire les valises tout en hurlant sur mes pauvres petits choux d’amour non sans leur avoir expliqué au préalable que papa et maman allaient être très occupés à préparer le départ et qu’il ne fallait donc pas les embêter. 

Je n’ai pas eu l’impression que ce climat anxiogène ait eu un impact particulier sur eux sur le moment. Moi, en revanche, j’étais au bord des larmes en permanence. Je savais que nous pourrions partir à temps, donc ce n’était plus tant ça qui m’inquiétait. Mais je pensais à tout ce à côté de quoi nous allions passer pendant cette période de confinement qui ne disait pas encore son nom. Et surtout je pensais à tout ce à côté de quoi mes garçons allaient passer. 

Je pensais à Bibou et à ses deux super copains qu’il n’allait plus voir. Je n’avais pas d’inquiétude par rapport à un retard dans ses acquis « intellectuels » parce que Bibou est en avance pour son âge, mais en revanche, comme beaucoup d’enfants en avance pour leur âge, c’est l’émotionnel qui est compliqué à gérer pour lui. L’émotionnel et le collectif. Autant dire que ce n’est pas en confinement qu’il va pouvoir travailler son côté collectif… Et puis je pensais à ses cours à la piscine qui lui font tant de bien sans qu’on le voie.

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Je pensais aussi à Titou dont c’est la dernière année à la crèche et qui risque de passer, sans transition, du confinement à l’école. Bam ! Quid de la demi-journée « passerelle » proposée chaque année par la crèche dans la future école des grands ? Quid de la préparation mentale dont se chargent petit à petit et en douceur les super animatrices de la crèche ? 

Oui, je sais, rien de dramatique ici. D’habitude, je suis plutôt quelqu’un qui sait relativiser mais on a tous nos faiblesses. Et là, franchement, j’ai (eu) du mal. 

Bref. On est arrivé sur notre lieu de confinement le lundi soir tard. Et je me suis couchée épuisée, soulagée d’un côté mais évidemment, comme tout le monde, avec ce sentiment bizarre d’être dans une situation complètement inédite et pas franchement glop. 

Je ne t’ai pas précisé que depuis le début de cette journée du lundi, je souffrais d’un gros mal de tête. Et je ne suis pas une migraineuse. D’aucuns auraient pu penser que c’était un symptôme du COVID, mais, quand je me suis réveillée le lendemain, tout était fini. Je crois que j’avais accumulé tellement d’angoisses ces derniers jours que ça s’est manifesté comme ça.

Depuis, je ne cesse de nous féliciter d’avoir pris cette décision de quitter la ville. Décision sur laquelle d’ailleurs (et c’est suffisamment rare pour être souligné), Mamour et moi avons tout de suite été d’accord. Même pas besoin de discuter, c’était une évidence. 

Les garçons ont de l’espace pour se défouler dans le jardin. L’air est pur. Nous aussi, adultes, quand nous allons faire nos « déplacements brefs à proximité du domicile liés à l’activité physique individuelle des personnes », nous profitons d’espaces autrement plus sympas que ce qu’on aurait trouvé en ville. Les courses alimentaires ne nous prennent pas des heures. Le seul point négatif c’est qu’on a évidemment pas apporté tout le contenu de notre maison avec nous. Alors parfois notre petit confort en pâtit, mais c’est vraiment du détail (on a oublié les Lego par exemple ! Tu le crois ça ?! comment on a pu penser qu’on allait pouvoir se passer des Lego ??!!! Non mais franchement, les Lego avec les gosses c’est juste la base !)

Crédit photo (creative commons) : Victoria Borodinova

Et les enfants dans tout ça?

Je te le disais, les garçons n’ont pas eu l’air particulièrement touchés par tout ça. Nous leur avons expliqué les choses au fur et à mesure de toute façon. A l’école aussi, Bibou (5 ans) a eu les explications adaptées à son âge. Il semblait comprendre ce qu’il avait besoin de comprendre mais pas être angoissé. Plus difficile à dire pour Titou évidemment (2 ans et demi).

Et puis la maison que nous sommes venus occuper est une maison de famille qu’ils connaissent bien et dans laquelle ils ont déjà quelques bons souvenirs. Elle est rattachée principalement à des choses positives.

Mais le fait est que depuis notre arrivée sur place, ils sont… intenables. Encore plus que d’habitude, je veux dire. Ils hurlent, n’écoutent rien, nous parlent très mal. C’est très compliqué. Il y a des moment où j’ai vraiment envie de pleurer… de frustration… 

Je ne peux m’empêcher de penser que c’est une façon pour eux d’exprimer ce qu’il ne savent pas dire avec des mots. On a pour habitude de beaucoup leur parler mais ça ne fait pas tout… et puis peut-être qu’on ne le fait pas bien…

Paradoxalement, Titou n’a plus de problème de sommeil… C’est toujours ça de gagné. Et puis, pour continuer cette conclusion sur une note un peu plus positive, il faut dire que l’avantage d’être confiné avec des enfants c’est quand même qu’on ne s’ennuie JAMAIS. Entre le télétravail, l’école à la maison et les occupations à leur trouver par ailleurs, aucun souci : on ne voit pas le temps passer !

Et toi, comment se passe le confinement chez toi ? Comment tes enfants réagissent-ils ? Viens raconter !