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A la une / Témoignage

La naissance très prématurée de mes jumeaux, un triste dénouement…

Après mes déboires avec des médecins incompétents, nous étions bien chamboulés, nous savions déjà que l'un de nos bébés ne vivrait sans doute pas. C'est alors qu'un soir, je commence à perdre du sang. Il est encore bien trop tôt : il faut tenir au moins jusqu'à mi-novembre, et on n'est même pas encore en octobre !

Nous partons aux urgences. Ils font une analyse de sang à Monsieur, et me font une échographie. La gynécologue de garde est persuadée que le deuxième bébé va très bien… On me fait une injection de Rhophylac car mon rhésus est négatif, et celui de Monsieur positif. C'est très fréquent dans ces cas-là de perdre du sang, car mon corps combat le groupe de sanguin de mon bébé, qui est le même que celui du papa. Et cette injection permet de tout remettre en place, m'explique-t-on. Nous rentrons soulagés, au moins ces pertes de sang sont sans risque.

Je revois le spécialiste quelques jours plus tard. Il m'annonce que je devrais me faire hospitaliser, plus pour mon bien que pour celui de mes bébés. Car selon lui, je suis jeune, je n'ai que 23 ans, des enfants, j'en aurais d'autres….

J'entame donc une guerre de deux semaines, pendant lesquelles je me bats avec l'hôpital de niveau 3 de la ville voisine et l'hôpital de niveau 2 de chez nous. Je finis par me faire hospitaliser le 20 octobre.

Monsieur Lifeiscool vient me voir tous les jours, ainsi que des collègues, des amis et bien sûr la famille… Je me repose, je n'ai pas peur. Personne ne remarque rien. Pourquoi ? Il aurait fallu remarquer quelque chose ?

Le vendredi 26 octobre, les infirmières me font monter sur la balance pour me peser… Je regarde l'aiguille s'arrêter et je crie : j'ai pris 7 kilos en une semaine, ce n'est pas normal ! « Ah oui effectivement, on va prévenir le gynécologue. Je pense que vous devriez préparer vos affaires, on va surement vous transférer aujourd'hui dans l'hôpital de niveau 3. »

Je ne le vois que le soir à 20h, et il confirme que je dois être transférée. Je fais une pré-éclampsie et ça commence à être vraiment dangereux. J'appelle Monsieur Lifeiscool en panique : j'en suis sûre, je vais bientôt accoucher…

Je crois qu'il n'a jamais roulé aussi vite de toute sa vie, en un quart d'heure il était à l'hôpital contre trente minutes ordinaires. Nous voilà partis en urgence dans un autre hôpital.

On me fait une échographie et un monitoring. Ce jour, je suis à 27 semaines de . Trois semaines, il manque trois semaines. Avec un peu de chance, dans cet hôpital je vais tout de même pouvoir tenir trois semaines de plus. On me fait une piqûre de corticoïdes au cas où, pour maturer les poumons de mes bébés. À 3h du matin, je peux enfin aller dans ma chambre en service de surveillance intensive de grossesse.

petite main de nouveau-né

Crédits photo (creative commons) : Kalle Gustafsson

La nuit du samedi, je ne trouve pas le sommeil, j'ai chaud, j'ai mal à la tête… et à 3h du matin, je perds les eaux. Voilà, je vais accoucher. Le dimanche matin, les sages femmes me font un monito, les contractions se rapprochent, je n'ai pas très mal, mais elles sont puissantes et très proches. Je dois appeler Monsieur Lifeiscool (qui dormait chez mes parents), car on va m'emmener au bloc. Je vais accoucher par césarienne, car le cordon du deuxième bébé est au niveau du col, et c'est notre princesse qui est position pour s'engager. La voie basse créerait une hémorragie.

On me prépare, j'entre dans le bloc opératoire. Monsieur Lifeiscool attend derrière les portes battantes, il n'a pas le droit d'entrer.

L'interne en anesthésie s'y reprend à trois fois pour me faire la rachianesthésie, j'hurle, j'ai mal, cette aiguille qui transperce ma colonne vertébrale est le signe de la fin. Il m'arrive encore parfois d'avoir mal à cet endroit. On m'allonge enfin, je ne sens plus mes jambes. On me sonde, et ça commence. J'entends le bruit des instruments et je sens la pression sur mon ventre, mais pas la douleur.

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On retire mon petit garçon, il est emmené tout de suite dans une autre salle. Je n'entends rien, rien d'autre que le bip bip de la machine qui prend mon rythme cardiaque. Et soudain je sens comme une lame qui me transperce le ventre… Je hurle, je ne devrais pas avoir mal pourtant. Je panique, je tombe dans les pommes. Cette douleur, c'était ma princesse. Comme si mon corps disait « Non ! Pas maintenant, ne me l'enlevez pas, c'est bien trop tôt !!! »

Ce dimanche 28 Octobre 2012, j'ai mis au monde à 12h27 un petit Gabriel, qui faisait 31 cm et 630 grammes, et à 12h28 une petite Elena, qui faisait 33 cm et 830 grammes. J'ai accouché à 27 semaines et deux jours.

Je me réveille, et j'entends le gynécologue dire à son interne : « Non pas là, là c'est de la graisse. » Il y a mieux comme réveil, je te l'accorde. Je cligne des paupières et je vois une sage-femme qui se penche vers moi.

La bouche pâteuse,  je demande : « Gabriel ? C'est un garçon ou une fille ?
– Un garçon Madame.
– Et Elena, comment elle va ?
– Très bien Madame.
– Et Gabriel, il est comment ?
– Très beau Madame. Ils vont très bien tous les deux, ils ont crié et respiré tous seuls, ils sont avec le papa. »

J'ai pleuré, pleuré tout mon saoul, de bonheur, de soulagement, de fatigue, d'angoisse. J'étais Maman, ça y est, j'avais mon cœur qui débordait d'amour.

Après un passage en salle de réveil, on m'a monté au service de réanimation néonatale, et je l'ai vu. Ce petit visage, ce petit nez rond et son petit front, ses petites mains et ses petits pieds… Je lui ai donné mon doigt, il l'a serré et j'ai pleuré encore. Gabriel était parfait, un petit prince, magnifique.

Le pédiatre nous explique qu'ils ont dû l'intuber pour qu'il ne se fatigue pas, mais qu'il respire très bien pour le moment. Il subsiste un petit espoir quant à sa survie. Avec un peu de chance, dans trois mois, nous rentrerons à quatre à la maison.

Dans la chambre en face, je découvre un petit bébé, tout chevelu blond roux, avec une petit nez tout fin, des petites oreilles et des petites mains fines… Une jolie petite princesse qui ressemble beaucoup à son papa, avec les cheveux de sa maman.

Je lui caresse le front, je suis épuisée, je veux rester avec mes bébés… Mais je commence à avoir mal au ventre. La nuit est dure, je suis réveillée sans cesse par les infirmières qui exigent que je boive plus d'eau, je n'arrive pas à faire baisser ma protéinurie. Je bois, je bois, et finalement au matin, tout rentre dans l'ordre. On m'enlève ma sonde et on me fait un brin de toilette. Je vais voir mes enfants et je reste une heure avec eux.

Mes beaux-parents viennent nous rendre visite, puis mes parents arrivent en fin d'après-midi. Je monte au service – toujours dans mon lit – avec ma maman et Monsieur Lifeiscool, pour présenter leur grand-mère à mes enfants.

Nous restons quelques instants dans la chambre de Gabriel. Ses machines font beaucoup de bruit et s'affolent un peu. Je demande à ma maman d'aller voir Elena avec moi… Je sens que pour Gabriel, ça ne va pas, et je ne veux pas être présente si ça se passe mal.

Nous revenons dans ma chambre, et ma mère s'en va avec mon mari. C'est alors que la pédiatre se présente. « Madame, où est votre mari ?
– Il est parti se changer, il va revenir. Mais vous pouvez me parler, je lui dirais ce qu'il faut. »

Je savais déjà sans même avoir eu besoin de l'écouter. Gabriel avait eu besoin de plus d'oxygène, et plus il en prenait plus ses poumons étaient malades. Il est décédé le lundi 29 Octobre à 19h45.

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J'ai pris sur moi, j'ai attendu le retour de Monsieur LifeisCool et lui ai annoncé l'impensable. Il a encaissé, comme moi, et nous nous sommes tus. Il fallait se battre pour Elena. Il fallait tenir pour elle.

Le lendemain, on m'a fait marcher, pour réapprendre à mes muscles à bouger. Je n'ai pas pu monter voir ma fille, mais Monsieur LifeisCool me donnait des nouvelles, il avait pu prendre Elena contre lui.

En fin de journée le pédiatre se présente à nous une nouvelle fois. Là, je ne veux pas l'écouter, je pleure déjà sans qu'il ait eu le temps de dire quoique ce soit. Je sais que ça ne va pas. Elena avait perdu beaucoup de sang, ils avaient eu du mal à trouver d'où et pourquoi. Elle faisait une hémorragie cérébrale, et ils ne pouvaient pas nous dire quelle était la gravité de la situation tout de suite. J'ai donc vu ma princesse avec un tube en plus, comme si elle n'en avait pas assez déjà.

J'ai demandé aux sages-femmes de nous donner un lit de camp, je ne voulais pas passer la nuit seule. Monsieur LifeisCool a pu dormir avec moi, et toutes les heures je me réveillais en pleurant, nous avons prié toute la nuit, de toutes nos forces.

Au matin, on nous dit que le pédiatre nous demande, je m'assois dans un fauteuil roulant et nous montons jusqu'au service. Ils sont au moins 5 dans la chambre d'Elena, trois pédiatres, le puériculteur et une psychologue.

Le pédiatre nous explique que l'hémorragie est très importante, trop importante. Elle s'étend de la moitié gauche du cerveau d'Elena à la moitié droite de son cerveau. Vu l'étendue de l'hémorragie, ils ne peuvent rien faire pour la sauver. Ils nous disent qu'à présent, ils nous donnent quelques jours pour organiser nos adieux, mais que lorsqu'on leur aura donné leur feu vert ils arrêteront de la réanimer. Elle sera sédatée pour qu'elle ne souffre pas.

Pour la première fois, je vois mon mari pleurer. Il pleure tellement que je me sens démunie. Je voudrais lui dire que je l'aime et que je suis là avec lui, qu'on va se battre, mais rien ne sort. Je veux mourir, je veux partir avec elle.

Le lendemain, la famille vient dire au revoir à Elena, nous pleurons tous. Puis nous nous retrouvons seuls tous les deux devant notre petite princesse, qui paraît si paisible. Je demande à prendre Elena contre moi. On la prépare, on me la donne et je la sens contre moi… Son petit corps contre ma poitrine, son cœur qui bat et s'apaise à mon contact. Je la serre, l'embrasse, lui parle. Elle aura ouvert ses yeux pour la première fois à mon contact, et ne les aura plus jamais refermé.

D'un commun accord avec Monsieur LifeisCool, nous prenons la décision de ne pas la laisser vivre ainsi plus longtemps. Elena est décédée le 1er novembre à 21h36.

Nous sommes partis de l'hôpital le lendemain, j'ai demandé à me faire hospitaliser à la maison. Je ne pouvais plus entendre les bébés dans le service et voir les visages ravis de ces mamans que je croisais dans le couloir.

Gabriel et Elena portent le nom de leur papa et reposent dans notre ancienne ville.

Nous avons déménagé, j'ai quitté mon emploi, Monsieur LifeisCool a changé de travail, nous habitons à 300 km de là où nous étions.

Nous essayons d'avoir un nouvel enfant depuis fevrier 2013 , nous sommes à présent en parcours de FIV.

On se bat pour avancer, ce n'est pas facile tous les jours. Mais nos enfants nous ont appris plein de choses par leur court passage parmi nous, ils nous ont permis aussi de rencontrer des personnes formidables. Ils nous ont montrés à quel point notre amour pour eux et entre nous est grand et fort, et que rien, même la mort ne peut l'altérer.

Ils sont nos lumières. Et nous sommes fiers d'être parents de ces deux petits anges.