Aujourd'hui, je vais te parler d'une rencontre, la rencontre avec mon fils, et ce que j'ai ressenti. Tu as sûrement lu dans les livres que c'était un immense bonheur, une bouffée d'amour immédiate à la vue de ce petit être, un lien crée instantanément… Et tes copines t'ont sans doute raconté la même chose.
Eh bien moi, je ne l'ai absolument pas vécu comme ça. C'est pour cette raison que je souhaitais témoigner, pour te dire qu'il y a plusieurs façon de vivre la maternité. Et surtout, que ça ne fait pas de toi une horrible mère (ce que j'ai longtemps pensé !).
Crédits photo (creative commons) : Kristin Wall
Mon fils est né par césarienne. Une césarienne programmée depuis longtemps, donc je n'avais aucunement imaginé mon accouchement d'une autre façon. Je n'étais pas déçue d'avoir à accoucher comme ça : je pensais que j'éviterai l'épisio et que les suites de couches seraient plus cool, naïve que je suis ! Mais revenons à nos moutons…
Quand on me l'a montré, je l'ai trouvé si petit, si fragile, si beau. J'ai pleuré de joie de l'avoir enfin parmi nous. Jusque là, réaction classique, si je peux dire !
Je vais ensuite en salle de réveil, je ne réalise pas trop ce qui vient de se passer, je ne suis pas heureuse comme je pensais l'être, je suis déstabilisée. Je me dis que c'est parce que je n'ai pas beaucoup vu mon fils : pas de peau à peau, je ne l'ai pas tenu dans mes bras, je n'ai pas eu ce premier contact si important, d'après les livres que j'ai lu.
Puis on me ramène dans ma chambre (je devrais dire notre chambre, puisque je la partage avec 5 autres mamans…), où m'attendait mon fils avec son papa. Je le regarde dans son berceau, et ce que je ressens est « bizarre » : j'ai l'impression qu'on ne se connait pas, que nous sommes des étrangers, alors que nous avons passé presque 9 mois ensemble.
En plus, je souffre beaucoup, alors je n'ai pas envie de le prendre dans mes bras, je me contente de le regarder. Je ne me sens pas maman du tout en fait, je ne ressens pas non plus cette connexion avec mon fils dont on m'avait parlé, ni même de véritable amour pour lui. Je me sens juste perdue face à lui et vide de sentiments. J'ai d'ailleurs peine à croire que c'est le mien, que quelques heures avant, il était dans mon ventre et que maintenant, il dort près de nous.
Aujourd'hui, je m'interroge : est-ce que ma césarienne est responsable de ce sentiment ? Comme je l'ai dit plus haut, je n'avais aucun problème avec ça. Pourtant, je me demande si le fait d'être uniquement spectatrice de son accouchement, mais aussi de n'avoir pas subi les longues heures de travail, peut être responsable de cette sensation de n'être pas devenue maman.
Pour être honnête, je n'ai pas pris mon fils dans mes bras la 1ère journée, je ne le sentais pas. J'étais très mal à l'aise, je ne savais pas comment faire, et j'étais perturbée par ce qui se passait en moi – ou plutôt, ce qui ne se passait pas. Avec le recul, je crois que j'avais peur, peur de ne pas savoir m'occuper de lui, peur d'être une mauvaise mère, de ne pas comprendre mon bébé. D'ailleurs, j'avais toujours entendu les mamans dire qu'elles reconnaissaient les pleurs de leurs bébés parmi ceux présents dans la pouponnière. Mon fils a passé sa 1ère nuit en pouponnière, des bébés pleuraient, j'étais incapable de savoir si c'était mon fils ou non. Ça en rajoutait une couche à mon angoisse ! Si j'avais été une bonne mère, j'aurais dû le reconnaître !
La culpabilité est venue s'ajouter au flot de sentiments que j'éprouvais. J'avais tellement espéré être enceinte, j'avais pleuré pendant ces 2 années sans grossesse. J'avais réussi, il était enfin là. J'avais tant rêvé pendant ma grossesse de le câliner, le serrer fort, l'embrasser… Et maintenant qu'il était là, je n'y arrivais pas. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, pourquoi je ressentais ça. « Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Je ne suis peut-être pas faite pour avoir des enfants ? Et si je ne l'aimais jamais et que j'étais une mère horrible ? » Bref, un tas de questions me passaient par la tête, toutes plus idiotes les unes que les autres, et sans réponses.
Et puis, le lendemain, je me retrouve seule. Mon mari et mes parents ne sont pas là. Je regarde mon fils dormir, il est si paisible. J'ose à peine le caresser, comme si j'attendais la permission pour pouvoir le toucher. Il commence à gigoter. Il a faim et je dois m'en occuper. Je le prend doucement dans son berceau, je lui donne son biberon et je le change, toute seule, comme une grande (c'est exactement ce que j'ai ressenti).
Je crois que je n'oublierai jamais ce moment car c'est le 1er vrai contact, seule à seul, que j'ai eu avec mon fils. Je m'en souviens encore. Et là, j'ai commencé à me sentir maman, sa maman. Je prenais soin de lui, de mon tout petit. Je réalisais doucement que j'avais un nouveau rôle, que j'étais responsable de ce petit être qui avait besoin de moi. C'était le mien, c'était à moi de décider, je n'avais personne à qui le refiler en disant « je crois qu'il veut sa maman », puisque sa maman, c'était moi.
J'ai commencé à me sentir mère ce jour-là, mais je dirais qu'il m'a fallu plus de temps pour pleinement ressentir ce rôle et tout cet amour que j'éprouve aujourd'hui.
Au fil du temps, nous avons fait connaissance, comme dans toute histoire d'amour. J'ai appris à reconnaître ses pleurs, ses grimaces, ses moments de calme… Je crois que chaque jour où je le découvrais un peu plus, je l'aimais davantage. Ce que j'ai adoré, c'est le moment de calme après le biberon de la nuit, quand il était endormi dans mes bras et qu'il souriait aux anges. Là, je sentais une bouffée d'amour monter en moi.
Il m'a fallu du temps, mais maintenant, je l'aime plus que tout mon petit homme, et je savoure chaque jour le bonheur que c'est de l'avoir dans ma vie.
En en discutant plus tard avec d'autres mamans, je me rends compte que je ne suis pas la seule à avoir ressenti cela, et j'aurais vraiment aimé le savoir plus tôt. Mais je crois qu'il doit exister une sorte de tabou, alors on préfère taire ce genre de sentiment. Je n'hésite pas de mon côté à en parler avec mes amies futures mamans, je trouve que c'est important, car je me suis sentie bien seule avec mes angoisses à la maternité. J'aurais peut-être dû en parler avec les sage-femmes, mais dans une autre langue, je ne sais pas si j'aurais bien fait comprendre ce qui se passait en moi.
Avec du recul, je pense qu'on n'est pas forcément maman en accouchant, on le devient un petit peu plus chaque jour.
Et toi ? Tu as ressenti cette fameuse bouffée d'amour à la seconde où tu as vu ton bébé pour la première fois ? Il t'a fallu plus de temps pour réussir à l'apprivoiser ? Tu te souviens de ces petits moments où tu commençais à ressentir de l'amour pour lui ? Raconte !
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