Ma libellule a aujourd'hui 3 mois… 3 mois !!! C'est tellement long et court à la fois.
Il s'est joué déjà tellement de choses, s'est passé tellement d'événements en ces trois mois de vie : ma libellule a aujourd'hui des cheveux, fait ses nuits, voit ses biberons augmenter, nous fait des sourires à tomber par terre, se tourne et se retourne sur son tapis telle une tornade, a déjà parcouru des centaines de kilomètres, rencontré des dizaines de têtes inconnues penchées (ou perchées) sur son berceau, fait la connaissance de « nounous » toutes plus attendries les unes que les autres…
Oui, mais pas que. Outre le fait que ma libellule ait grandi à vitesse grand V, il s'est joué également beaucoup de choses dans mon couple, mais également pour moi, et surtout, en moi. C'est cette dernière partie que j'ai souhaité partager avec toi… Mon évolution à moi, en tant que maman libellule…
Ma grossesse n'a pas été des plus simples : des alertes physiques qui m'ont amenée à être en arrêt de travail plusieurs fois au cours de ma grossesse (ce qui n'est pas simple pour une accro du boulot comme moi), une famille au loin, des employeurs pas toujours des plus compréhensifs (on en parle, de la grossesse dans le monde du travail, en 2016 ?), et ma difficulté à penser ce bébé, à me projeter, à concrétiser, à m'imaginer mère…
Je me suis beaucoup questionnée pendant ces neuf longs mois : est-ce que je me sentais mère ? À quel moment je me sentirais mère ? Mais en fait, c'est quoi, se sentir mère ?
Crédits photo (creative commons) : Jason Corey
Les mois passaient, et ces questions restaient en suspens. Jusqu'au moment de l'accouchement où elles ont resurgi en même temps que les cris de la sage-femme : « Poussez Madame, pousseeeeez !!! » Et dans ma tête, cette rengaine incessante : je dois y arriver, je dois lui donner la vie, je dois l'aider à nous rejoindre, il en va de ma responsabilité de mère ! Ah tiens, responsabilité de mère ? Ça recommence… Ce petit être était désiré, tellement. Attendu, éperdument. Aimé à la folie. « La voilà Madame, venez la chercher. »
Je n'oublierai jamais ce regard, ma libellule… Des yeux d'un bleu profond, grand ouverts, accrochés aux miens. Là, je l'ai senti, ce lien vital, essentiel, viscéral : ma fille, tu es ma fille, je suis ta mère et ce, quel que soit le chemin que la vie nous réserve. La dizaine de minutes durant lesquelles elle a été séparée de moi pour subir les premiers soins (l'accouchement ayant été dur pour elle) ont été une vraie déchirure.
Mon regard ne pouvait se détacher d'elle : mon bébé, ma libellule. L'inquiétude, les questionnements, ce besoin de la voir… Ah, ça y est ? Je suis mère ? Factuellement, oui. Est-ce que je me sens mère ? Par ce lien viscéral que je ressens, oui… Mais l'histoire n'est pas si simple…
Les premiers jours, un conte de fées : un bébé adorable, « cool » diront les soignants, qui boit ses biberons avec appétit, qui est déjà bien vive et tonique. Le retour à la maison, un bonheur : petit aménagement de retour pendant que ma libellule dort dans son petit lit (oui, même une lessive à peine trente minutes la porte de la maison passée…), réception de la famille, dîner improvisé dès le premier soir. Trop sereine. Trop ? Oui.
Passée l'effervescence du retour, nous avons vu nos doutes et questionnements revenir face à ses pleurs, notamment. Les doutes, la culpabilité m'ont assaillie. Je n'y arriverais pas. Je ne la comprenais pas. Elle n'était pas heureuse. C'était sûr, j'étais une mauvaise mère. La fameuse culpabilité de la mauvaise mère. Jamais bien loin…
Après trois semaines de pleurs quasi quotidiens, de doutes sans cesse, j'ai décidé, entourée de mon mari et de mes proches (d'aucuns diraient « poussée par mes proches », mais laisse-moi m'attribuer un peu de pouvoir décisionnel dans tout ça, une petite réparation narcissique, entre nous, ça ne fait pas de mal), de prendre du recul.
Visite chez le médecin, homéopathie contre l'anxiété, rencontre avec une psychologue et acceptation de l'aide de mes proches, enfin. Ce relais, ces aides, cette écoute m'ont permis de penser ce qui se jouait pour moi à ce moment-là. J'ai enfin entendu cet épuisement tant redouté.
On le dit, on l'entend, on le sait, on en a conscience, mais en fait non, on ne sait pas, car cet épuisement-là, en tant que primipare, on ne l'a jamais connu (je ne me prononcerai pas pour le second, n'ayant pas encore expérimenté). Un épuisement physique et psychique intense, qui nous laisse à fleur de peau (on en reparle, des machines à peine rentrée à la maison, des dîners improvisés ?). On tient par la force de ressources insoupçonnées, mais ces ressources ne sont pas illimitées.
L'épuisement OK, mais encore… Toutes ces questions qui m'ont accompagnée pendant ma grossesse et pendant mon accouchement avaient bien plus d'importance que je n'avais dénié leur accorder : être mère, devenir mère, quand se sentir mère, comment ça se passe ?
Mère, oui, de fait, par la naissance de ma fille, je le suis devenue. Mais ce que je comprends aujourd'hui, aux 3 mois de ma libellule, c'est que l'on ne naît pas mère à la naissance de son enfant, on le devient.
La naissance de ma fille a été une rencontre : une merveilleuse et magique rencontre. Mais qui dit rencontre dit inconnu : inconnu de ce petit être que l'on doit apprendre à connaître, mais également inconnu de soi comme mère. C'est un nouveau rôle, dans lequel on ne se connaît pas.
On s'y est projetée, on l'a fantasmé, rêvé, et ce, depuis toute petite pour beaucoup d'entre nous. Cependant, en réalité, cette mère que nous devenons est une inconnue que nous apprivoisons, que nous découvrons, et qui nous surprend souvent (et c'est tant mieux).
Aujourd'hui, je peux me le dire, sans avoir à le clamer dans la rue comme pour le ressentir davantage, ma libellule m'a fait sortir de mon cocon. Grâce à elle, je suis devenue une Maman.
« De la tête aux pieds, littéralement, la libellule sort de son ancien corps. »
Et toi ? Te posais-tu beaucoup de questions pendant ta grossesse ? Ont-elles resurgi après la naissance ? Ça a été facile, pour toi, de devenir mère ? Viens nous dire !