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A la une / Témoignage

Ce jour où mes filles sont nées, puis parties doucement…

Notre vie va changer ! Depuis le temps que nous souhaitions avoir des enfants, ce vendredi 6 décembre 2013 nous bouleverse. La deuxième barre tant attendue est apparue ! Je suis enceinte, quel bonheur ! Nous rions, sautons, dansons !

Le 6 février, nous voilà encore plus heureux. Nous sommes à la première échographie. La sonde est posée sur mon ventre, et nous entendons « Il y a des jumeaux dans la famille ? ». Nous sommes un peu abasourdis, nous ne nous y attendions vraiment pas, mais nous les voyons, nos deux bébés, côte à côte. Nous voilà complètement attendris. Tant de bonheur juste pour nous, nous n'en revenons pas. Les bébés sont prévus pour le 24 août, même si on nous explique qu'ils arriveront sûrement plus tôt.

Les semaines suivantes, nous commençons à tout organiser, à anticiper, à se projeter.

La avance, tout va très bien. Nous apprenons en mars que ce sont deux minettes. Nous choisissons les prénoms, Clara et Océane.

ourson à la fenêtre

Crédits photo (creative commons) : Ghita Katz Olsen

Je suis fatiguée, mon ventre pousse vite, j'ai une sciatique et je commence à avoir du mal à me mobiliser. Je me repose beaucoup, je prends toutes les précautions possibles et inimaginables pour prendre soin de mes deux poupettes. Une grossesse gémellaire est un peu plus fragile qu'une singleton, alors je fais tout mon possible pour rester au calme.

Nous arrivons à la fin avril, le suivi se passe bien. Les filles ont une très bonne croissance, elles vont bien, remuent beaucoup. Mon col est parfait. On me dit même que j'ai un col « de compet » pour ce stade à une grossesse gémellaire…

Mais, rien n'est jamais acquis, et la vie fait bien ce qu'elle veut. Quelques jours après, le vendredi 25 avril, je suis hospitalisée car une poche s'est rompue. Je reste au repos, mais ça ne suffira pas. Le travail se déclenchera dans la nuit du 25 au 26.

J'endure les contractions, je ne veux pas sonner. Je sais que c'est trop tôt. Je suis enceinte de 23+6SA. Si j'accouche, je condamne mes filles. Alors non, j'essaie de convaincre mon corps, mon esprit et mes filles que tout ça doit cesser.

Malheureusement, ça ne marche pas comme ça, et la douleur est trop forte, je n'en peux plus. Le sage-femme arrive, je suis dilatée à 4 et tout s'accélère. On me descend en salle d'accouchement. Je vais accoucher en sachant que mes filles vont mourir. Ce n'est pas possible, que se passe-t-il ?

Pas le temps de me poser une péridurale. Je pousse trois fois, Clara arrive en poussant un petit cri à 14h19. Je récupère un peu, on me perce la deuxième poche. Le travail et les contractions reprennent. Je suis épuisée, j'ai mal… Mais je pousse à nouveau, il est 15h04 et Océane est née.

Je demande à avoir mes deux filles en peau à peau sur moi. À ce terme, il n'est pas possible de les prendre en charge. Nous pouvons seulement les accompagner. L'équipe médicale nous laisse tous les quatre. Nous passons un moment d'une infinie tendresse, plein de sérénité. Nous sommes hors du temps. Nous les apprenons par cœur. La sage-femme vient de temps en temps écouter les cœurs. Puis, à 17h25, elle nous dit que c'est fini, les deux petits cœurs se sont arrêtés en même temps. Elle me prend doucement Clara puis Océane. Tout est terminé.

Une partie de moi est morte avec elles. En quelques heures, j'ai donné la vie à mes filles, et les ai accompagnées vers la mort. Elles sont passées de l'autre côté dans mes bras, en ressentant, je l'espère tout notre amour.

Le deuil périnatal est encore trop tabou en France. Depuis ce drame, je tiens un blog (que tu retrouveras en cliquant ici) pour apporter ma petite pierre à l'édifice, et tenter d'expliquer avec mes mots et mon vécu ce qu'est le périnatal, et comment essayer de comprendre les paranges.

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !