Ma première grossesse s'est déroulée sans difficulté. Malgré le fait que j'aie eu quelques soucis de réglages thyroïdiens (j'ai subi une ablation de la thyroïde quelques années auparavant) au départ, qui m'ont menée à une sorte de dépression, tout s'est plutôt bien passé…
Les dernières semaines, pas une contraction, pas de perte de bouchon muqueux, rien : aucun signe que ma princesse va bientôt montrer le bout de son nez… Mon mari, obnubilé par la rénovation de notre maison, a décrété que, Mademoiselle étant prévue pour le 5 avril, elle n'arriverait pas avant, c'est comme ça…
Le 3 avril, je me réveille vers 5h du matin, avec des mini-contractions (oui, « mini », parce que le pire est à venir). Moi, trop heureuse, je suis sûre que je vais accoucher… Pauvre de moi ! J'aurais dû rester au lit, au lieu de filer à la douche et de réveiller toute la maison de mes parents (oui, on y vit le temps de la rénovation).
Ma mère rigole intérieurement. Ben oui, moi je jubile : c'est pour aujourd'hui ! Alors, forcément, quand elle me voit descendre avec ce grand sourire, elle n'y croit pas du tout… Je réveille mon chéri, et nous prenons un petit-déjeuner tranquillement, pour ensuite partir à la maternité…
Tu dois imaginer la dose d'adrénaline qui me passe dans le corps à ce moment-là ! Enfin, je vais accoucher !! C'est sans compter mon rabat-joie de mari, qui me dit en riant : « J'espère que ce n'est pas du faux travail, j'ai du boulot à la maison ! Vu comment tu rigoles, t'as pas l'air de souffrir… » Je l'ai eue franchement mauvaise…
Arrivés à la maternité, la sage-femme me fait comprendre (elle aussi) que je ne suis pas en travail, puisque je ne crispe pas le visage.
Crédits photo (creative commons) : Daniel Lobo
Elle m'ausculte et là, coup de massue : « Ma petite dame, vous n'êtes pas prête d'accoucher ! Le col est fermé et bébé est encore très haut… Désolée, mais ce n'est pas pour ce week-end ! »
Grosse déception. Elle me propose soit de marcher et de revenir faire un monito, soit de rentrer… Je regarde mon mari. On rentre. De toute façon, ce n'est pas pour ce week end…
Nous décidons d'aller voir la grand-mère de mon chéri, en fin de vie. On ne va pas faire les travaux maintenant, il est presque midi…
Une fois là-bas, je commence à avoir mal. OK, d'accord, c'était du pipi de chat tout à l'heure ! Je garde ça pour moi et ne laisse rien paraître. Mais quand je remonte dans la voiture… wouaaaah, j'ai mal !!
Nous partons déjeuner chez mes beaux-parents. Impossible d'avaler quoi que ce soit : je suis en pleurs, j'ai mal, je souffre… Mince, je ne m'attendais pas à ça (ok, ce n'est que le début) ! Je ne gère rien, je ne pense qu'à la douleur (chose à ne pas faire), je refuse de retourner à la maternité…
Monsieur me dépose chez mes parents et part à la maison faire quelques travaux… Je suis furieuse : comment peut-il me laisser seule alors que je souffre ? Bon, j'ai ma maman (Dieu soit loué), mes frères qui flippent à chaque fois que je hurle… Mais quand même, lui, c'est mon mari ! Si j'ai mal à ce point, c'est aussi un peu beaucoup de sa faute, non ??
Je continue de souffrir sur le canapé, je n'en peux plus ! Mon très cher mari revient quarante minutes plus tard : il s'est fait virer du chantier par mon beau-père et mon beau-frère ! Ouf, enfin !
L'après-midi va passer comme ça, à souffrir dans mon canapé, à pleurer… Je ne veux pas te faire peur : promis, ça ne se passe pas toujours comme ça ! La preuve : mon deuxième accouchement a été très différent !
Vers 19h, mon père arrive. Tout le monde boit l'apéro… Enfin, tout le monde sauf moi, qui souffre le martyr ! Demain, c'est Pâques, du coup c'est la fête ! Vers 21h, n'en pouvant plus, je finis par céder, et nous partons ENFIN à la maternité…
Je te laisse imaginer la peur que j'ai d'être à nouveau renvoyée chez moi ! Je souffre trop ! Bizarrement, la voiture calme les contractions : plus de douleurs. J'angoisse, je ne veux pas rentrer…
Nous sommes accueillis par une nouvelle sage femme qui, à la vue de ma tête, comprend que je suis en travail. Elle m'ausculte : ouverte a un doigt ! YOUPIIIIIII ! On me garde ! Je lui demande si je vais accoucher. Elle me dit : « Oh, pas de suite, mais demain matin, votre princesse sera dans vos bras… »
Ma tension étant élevée, du fait de la douleur que j'ai subie toute la journée, je passe directement en salle de travail. On me propose d'entrée de jeu la péridurale, que j'accepte. Jusque là, je voulais faire sans, mais c'était avant d'avoir souffert toute la journée ! Je suis épuisée, j'ai mal…
Nous voila donc installés tous les deux dans la pièce qui va accueillir ma fille. La nuit passe, je ne souffre presque plus, mais le col bouge trop lentement.
À 4h du matin, je suis toujours à 3. On me perce la poche des eaux et, enfin, tout s'accélère…
Mon accouchement, je l'avais idéalisé. J'avais mes peurs, mes envies… Mais finalement, rien ne s'est passé comme prévu ! Je le voulais : sans douleur (raté), avec mon mari (raté), qui coupe le cordon (raté), et pleure des larmes de joie (raté).
Apres vingt minutes de poussée, la petite ne descend pas : elle est bloquée. Je n'en peux plus, elle n'en peut plus. Je vois mon mari commencer à paniquer en observant le mesures cardiaques et les sages-femmes parler entre elles.
Je crois qu'à partir de ce moment-là, je me suis déconnectée, je me suis mise dans ma bulle. Je ne me souviens pas de grand-chose. J'entends mon mari qui me parle très fort et me dit : « Pousse, pousse ! » Je vois la panique sur son visage et plusieurs sages-femmes qui entrent et qui sortent. J'entends : « Appelez le gynéco !! »
On me met sous oxygène, beaucoup de monde arrive dans la chambre… Ma fille souffre, son rythme cardiaque est trop bas, et le mien n'est pas mieux…
Comme je te l'ai dit, je suis dans ma bulle. Je pleure, je ne comprends rien, je ne sens rien… Mon mari est obligé de sortir. Son regard, à ce moment-là, je ne l'oublierai jamais : cette peur que je peux lire sur son visage m'effraie…
Je suis toujours dans ma bulle. Je n'entends plus rien, je vois les choses, mais je ne ressens rien, aucune émotion. C'est bizarre comme sensation : je suis spectatrice de mon accouchement…
Le gynéco tente les pinces, puis les ventouses, et enfin débloque ma fille. Elle sort, mais je ne l'entends pas. On me la montre de loin, et elle s'en va… Moi, je suis toujours ailleurs. Mince, je sors quand de cette bulle ??
La salle se vide doucement. Enfin, je suis de retour… mais complètement à l'ouest ! Je n'ai pas compris tout ce qui s'est passé, je mets du temps à atterrir. On vient me donner des nouvelles. J'entends mon bébé crier au loin, mon mari est avec elle…
Une sage-femme vient me voir, et me demande si ma fille est prématurée, car elle a une fossette. Je lui réponds que non : elle était prévue pour le 5 et on est le 4, elle n'est pas prématurée…
Mon mari arrive seul, ma fille est avec les soignants. Elle va bien et fait 3,900 kg… Ah ouais ! Heureusement qu'elle n'est pas prématurée ! Enfin on me la pose sur moi, ma fille, mon amour. Nous passons un petit moment tous les trois.
J'ai mis plusieurs heures, plusieurs jours, plusieurs semaines à me dire que ce petit être, c'était moi qui l'avais fait… On ne devient pas maman du jour au lendemain, ça s'apprend. Nous nous sommes apprivoisées toutes les deux… D'ailleurs, nous n'avons fait aucune photo les deux premiers jours : la seule chose qui m'importait, c'étaient ces doux moments passés ensemble…
J'ai longtemps regretté ce manque de photos. Mais j'ai mieux : tous ces moments sont enfouis dans ma tête. Je n'ai qu'à y penser pour revoir cette petite bouille d'amour…
Et toi ? Tu étais impatiente d'aller à la maternité ? Tu as souffert longtemps avant de t'y rendre ? Tu connais cette impression d'être déconnectée de son accouchement ? Raconte-nous…
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