« Vous allez devoir faire une FIV. Je ne peux plus rien pour vous. Contactez le Professeur Machin à l’hôpital de Tataouine-les-bains. »
Voilà la réponse que nous donne mon gynécologue début 2006, après quasi deux ans de suivi. Après m’avoir opérée et charcutée, m’avoir collée en ménopause artificielle pendant neuf mois au lieu de trois (il s’était planté de dosage sur l’ordonnance), m’avoir fait prendre vingt kilos en un an avec sa fichue ménopause artificielle, il nous lance ça en pleine figure, nous raccompagne à la porte… et démerdez-vous !
Nous rentrons de l’hôpital en voiture. Il est tard. Je pense que nous essayons tous deux individuellement de digérer ce que nous venons d’entendre et de vivre.
Ma préoccupation première n’est bizarrement pas le fait de ne pas pouvoir tomber enceinte naturellement. Je crois qu’au fond de moi, je le savais et l’avais compris depuis longtemps. Mais j’ai peur. Je sens Philippe très distant. À ce moment-là, je me dis qu’il va me quitter. Ça me paraît tellement logique, finalement. Je ne pourrai peut-être jamais lui donner d’enfant.
Crédits photo (creative commons) : Jacob Enos
Le mot FIV bat dans mes oreilles, je n’entends même plus la radio. Que ce silence est pesant. C’est quoi, une FIV, au fait ? Le gynéco nous a dit que l’insémination ne servirait à rien. C’est quoi la différence entre FIV et insémination ?? Comment on va faire ?? Il faut appeler qui ?? Il faut qu’on en parle !! Mais aucun son n’ose sortir de ma bouche : mes cordes vocales sont comme paralysées et retiennent mes larmes.
Il est là, à côté de moi. Il conduit, silencieux. Je le connais par cœur : nous sommes ensemble depuis plus de six ans. Il s’est refermé sur lui-même, tel une huître. Je sens tellement sa carapace que je la vois presque, comme un halo autour de lui. Je sais que ce n’est pas le moment de parler.
Pourtant, ma boule au ventre me donne envie de crier. J’ai besoin d’un mot, d’une phrase. Juste d’un peu de réconfort, pour lui, pour moi.
Juste qu’il me dise : « Ça va aller. »
Juste que je lui dise : « Ça va aller. »
Mais ma gorge est nouée, j’ai tellement peur ! Cette nouvelle nous laisse seuls, chacun avec ses propres pensées, ses propres peurs.
Nous arrivons à la maison, toujours en silence. Philippe part directement se doucher, puis se met devant la télévision. Je n’ose toujours pas parler. Si j’ouvre la bouche, je vais pleurer.
Après le repas, j’ose un petit : « Est-ce que ça va ? » Il me répond que oui, sans même me regarder. Nous restons silencieux devant un épisode des Experts : Las Vegas. Je décide d’aller me coucher. Je l’embrasse. Il me rend mon baiser.
Une fois dans le noir, je fonds en larmes, silencieusement, pour qu’il ne m’entende pas. Je ne trouverai pas le sommeil. Je suppose que Philippe non plus. Mais nous faisons comme si, côte à côte dans le lit, sans nous toucher, sans rien nous dire, chacun dans son coin.
Ce silence dure presque une semaine. Puis je craque, je finis par lui demander à quel moment il va m’annoncer qu’il me quitte. Il ne répond pas tout de suite. Il réfléchit, de longues minutes, sûrement à comment il va formuler sa réponse. Puis il me dit qu’il y a effectivement pensé, mais qu’il ne le fera pas. Ça me laisse sans voix, je ne sais plus quoi penser. Le doute s’installe, forcément : et s’il changeait d’avis ?
Cette semaine restera gravée en moi toute ma vie. Cette douleur, cette peur sont ancrées en moi comme un tatouage. Et pourtant, il est toujours là, et depuis 2008, il est même devenu mon mari. La culpabilité me rongera toujours. Ces épreuves, il ne les avait pas demandées, je les lui ai imposées. Mais il est là. Et nous n’avons toujours pas d’enfant.
FIV, don d’ovocytes, adoption… Un combat, c’est de cela dont il s’agit. Et nous menons ce combat à deux. Il a réfléchi une semaine. Et alors ? Qu’est-ce que c’est, une semaine, pour une décision qui influe sur toute sa vie ? J’ai tellement de respect.
Je veux rendre hommage à tous ces couples qui se perdent, en leur disant que ce n’est pas de leur faute. Ces épreuves sont violentes, inacceptables, et mettent souvent les nerfs à trop rude épreuve. Je profite aussi de cet article pour mettre en avant ces hommes et ces femmes qui, malgré la stérilité de leur conjoint, ne baissent pas les bras et l’accompagnent jusqu’au bonheur.
Et à mon mari : je t’aime !!
Et toi ? Tu as aussi eu à combattre l’infertilité ? Comment a réagi ton conjoint ? Comment votre couple a-t-il vécu cette épreuve ? Viens en parler…
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Toi aussi, tu veux témoigner ? C’est par ici !